Guerre en Ukraine : que contient la directive sur la protection temporaire de 2001 ?
Équipe plaidoyer de France terre d'asile - Publié le 04 mars 2022Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février et le nombre exponentiel d’Ukrainiens se réfugiant dans les pays frontaliers de l’Union européenne, la directive européenne « protection temporaire » a été activée pour la première fois depuis son adoption en 2001. Nous faisons le point sur ce qu’elle prévoit.
Adoptée en 2001 dans le contexte de la guerre en Ex-Yougoslavie puis du Kosovo, la Directive européenne « protection temporaire » émane du souhait des États membres de se doter d’un instrument législatif capable de répondre aux situations « d’afflux massif » de personnes en besoin de protection ne pouvant pas rester dans leur pays d’origine notamment « en raison d’une guerre, de violences ou de violations des droits de l’homme » et qui ne peuvent pas y retourner. Elle permet de contourner la procédure d’asile pour éviter une surcharge aux autorités en offrant une voie rapide et simplifiée pour accéder à une protection dans toute l’Union européenne (UE).
En réponse aux réfugiés qui fuient l’Ukraine suite à l’invasion du pays par la Russie le 24 février 2022, les ministres européens ont adopté à l’unanimité le déclenchement de la directive à l’issue du Conseil « Justice et Affaires intérieures » qui s’est tenu le 3 mars à Bruxelles. À l’occasion d’une réunion extraordinaire des ministres de l’Intérieur de l’UE le 27 février, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait d’ores et déjà annoncé que la France, qui assure la présidence du Conseil de l’UE depuis 1er janvier dernier, allait proposer l’activation de la directive pour la première fois depuis son adoption en 2001.
Entrée en vigueur le 7 mars, le jour de sa publication au Journal officiel de l’UE, la décision établit une description des groupes spécifiques de personnes auxquels s’applique la protection temporaire.
Qui peut en bénéficier ?
- Les ressortissants ukrainiens ainsi que les ressortissants de pays tiers qui ont bénéficié d’une protection internationale ou d’une protection nationale équivalente en Ukraine avant le 24 février ;
- Les membres de la famille de ces derniers, résidant en Ukraine avant le 24 février ;
- Les ressortissants de pays tiers en possession d’un titre de séjour permanent en Ukraine avant le 24 février, seulement s’il est établi qu’ils ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays ou leur région d’origine « dans des conditions sûres et durables» ;
- D’autres catégories de personnes déplacées qui étaient en séjour régulier en Ukraine, à la discrétion des États membres.
Que contient cette protection temporaire ?
Elle permet de fournir un statut de protection temporaire et immédiat basé sur des critères communs dans l’ensemble des pays de l’UE, mais qui diffère du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Cette protection est prévue pour une durée d’un an pouvant être renouvelée jusqu’à trois ans maximum. Les bénéficiaires ont accès au travail, à un hébergement ou à une aide financière pour en trouver un, à une aide sociale, aux soins médicaux, à l’éducation et à l’unité de la famille. Cette procédure se situe hors du champ de l’asile au sens strict, mais les personnes sous protection temporaire peuvent déposer une demande d’asile à tout moment.
S’appuyant sur des normes minimales pour l’octroi d’une protection à caractère exceptionnel, la directive a pour objectif d’éviter que les autorités chargées de l’asile ne soient submergées et ne puissent pas protéger rapidement et efficacement ceux qui en ont besoin en offrant une procédure allégée et censée être rapide.
La particularité de la Directive tient également au fait qu’elle prévoit un système de répartition des bénéficiaires entre les différents États selon leurs capacités d’accueil, avec pour objectif d’assurer un équilibre entre les efforts des États membres. Chaque État membre doit communiquer ses capacités d’accueil et les transferts d’un pays à l’autre ne peuvent se faire qu’avec l’accord de la personne transférée.
Dans sa transposition en droit français, la protection temporaire consiste en un titre de séjour provisoire. Une instruction ministérielle relative à la mise en œuvre de la directive, publiée le 10 mars, précise que les bénéficiaires de la protection temporaire pourront bénéficier, entre autres, de l’allocation pour demandeurs d’asile ou encore d’un accès immédiat à la protection universelle maladie, à la différence des demandeurs d’asile qui sont soumis à un délai de carence de trois mois.
Évoquée à plusieurs reprises, notamment suite au nombre de plus en plus grand d’arrivées de personnes en besoin de protection sur le territoire européen en 2015 ou encore dans le contexte de la reprise du pouvoir par les Talibans en Afghanistan durant l’été 2021, la directive n’avait pourtant jamais été appliquée depuis son adoption. Selon un rapport d’analyse de la Commission européenne, la définition très large du terme « arrivée massive », censée traduire un atout de flexibilité s’est avérée en réalité être un point de blocage dans le processus d’accord entre les États membres. Par ailleurs, si la directive offre un cadre clair et efficient, la complexité de la procédure d’activation liée au besoin d’un accord entre les États, qui nécessite concertation et coordination, avait rendu son déclenchement difficile jusqu’à présent.