Les Pays-Bas confrontés à une crise de l’accueil sans précédent
Équipe plaidoyer de France terre d'asile - Publié le 19 septembre 2022Depuis plusieurs semaines, le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile néerlandais est dans la tourmente. Le 24 août dernier, le décès d’un nourrisson de trois mois près du centre de Ter Apel, dans le nord-est du pays à la frontière avec l’Allemagne, a notamment suscité l’indignation de la société civile. Le centre de Ter Apel, d’une capacité de 2 000 places, est un point de passage obligatoire pour enregistrer une demande d’asile dans le pays, avant que les personnes ne soient réparties dans d’autres régions. Le jour du drame, près de 700 migrants se trouvaient sans-abri et dormaient dehors près du centre, faute de places suffisantes au sein de la structure d’accueil. Le premier ministre néerlandais Mark Rutte et le secrétaire d’État chargé de l’Asile et des migrations, Eric van der Burg, ont demandé l’ouverture d’une enquête sur les circonstances du décès du nourrisson et les conditions de vie dans le centre, une démarche qui a également été exigée par la Commission européenne.
À partir du 26 août, les autorités néerlandaises ont transféré des centaines de demandeurs d’asile de Ter Apel vers des centres d’hébergement d’urgence à travers le pays. En guise de solution temporaire, la ville d’Amsterdam a également annoncé le 30 août dernier qu’au moins 1 000 demandeurs d’asile seront hébergés pendant au moins six mois, à partir du 1er octobre, à bord d’un bateau de croisière amarré dans un port de la ville.
Selon l’organisme en charge de l’accueil des réfugiés, l’Organe central d’accueil des réfugiés (COA), le pays comptabilise chaque mois entre 3 000 à 4 000 demandes d’asile et ne dispose plus de places disponibles au sein de ses 60 structures d’accueil qui abritent 28 000 personnes et des 49 centres d’hébergement d’urgence, pourvus de 10 000 lits. Selon les organisations de la société civile néerlandaises, les conditions d’accueil pour les demandeurs d’asile sont inférieures aux standards imposés par la directive européenne « accueil » depuis près d’un an, notamment car le gouvernement a effectué des coupes budgétaires et fermé des centres en raison de la pandémie de Covid-19. La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, a notamment dénoncé dans une lettre du 26 août dernier adressée au gouvernement néerlandais que la crise de l’accueil actuelle n’était pas due à une hausse soudaine des arrivées dans le pays, mais davantage à des dysfonctionnements structurels du système d’accueil.
Face à cette situation, le Conseil néerlandais pour les réfugiés (VluchtelingenWerk Nederland) a engagé, le 17 août dernier, une procédure en référé contre le gouvernement néerlandais et le COA, pour exiger des conditions de vie dignes pour les demandeurs d’asile « d’ici le 1er octobre ». Durant l’audience qui s’est déroulée le 15 septembre, le Conseil néerlandais pour les réfugiés a en outre appelé le gouvernement à renforcer la protection des mineurs isolés étrangers et des personnes vulnérables, en évitant notamment de les placer dans des centres d’hébergement d’urgence. Le tribunal statuera au plus tard le 6 octobre prochain sur la procédure lancée par l’ONG.
En parallèle, le gouvernement néerlandais a annoncé, le 26 août dernier, un « plan » censé résoudre la crise de l’accueil. À moyen terme, l’objectif affiché est d’ouvrir des centres d’accueil pour demandeurs d’asile dans les quelques 250 communes qui n’en disposent pas afin d’améliorer la répartition entre l’ensemble des municipalités, et de construire des logements supplémentaires dédiés aux réfugiés.
Le gouvernement souhaite également introduire des mesures temporaires visant à suspendre l’accord conclu avec la Turquie en 2016 – qui prévoit la réinstallation aux Pays-Bas de près de 1 000 demandeurs d’asile par an en provenance de Turquie – et à restreindre l’accès à la réunification familiale. Seuls les réfugiés qui disposent déjà d’un logement pourraient ainsi être rejoints par leurs familles, dans la limite d’un délai de quinze mois. Ces mesures pourraient être mises en place dès début octobre et pourraient rester en vigueur jusqu’à la fin de l’année 2023 selon une lettre du secrétaire d’État chargé de l’Asile et des migrations Eric van der Burg en date du 1er septembre.
L’ONG Conseil néerlandais pour les réfugiés dénonce cette volonté du gouvernement de limiter l’accès à la réunification familiale, dont le droit est encadré au niveau européen par la directive 2003/86/CE. Ces mesures pourraient concerner de nombreuses personnes, alors que près de 90 % des personnes obtenant une protection aux Pays-Bas demandent par la suite une réunification familiale selon une déclaration du Secrétaire d’État Eric van der Burg. La Médiatrice des Enfants Margrite Kalverboer a également déclaré que les mesures avancées par le gouvernement violent la Convention relative aux droits de l’enfant, la réunification familiale étant un droit fondamental.