« Pour mettre fin au populisme et aux populistes, les villes doivent s'engager dans des échanges directs avec leurs citoyens »
Dirk Hilbert, Maire de Dresde en AllemagneComment est venue l’initiative de l’accueil des demandeurs d’asile ou réfugiés dans votre ville ?
L’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile est une obligation légale des villes. Le nombre de personnes à accueillir dépend de la « clé Königsteiner ». En outre, Dresde, capitale régionale du Land, s’est déclarée prête dès 2011 à soutenir la campagne « Save Me », à accepter des réfugiés dans le cadre d’un programme de réinstallation du HCR et du gouvernement fédéral et à prendre des mesures pour leur intégration sociale.
En plus de nos activités municipales, plus de 20 initiatives de droit civil et réseaux dits d’accueil ont été créés à Dresde ces dernières années pour aider les migrants dans leur vie quotidienne et leur intégration. Afin de faciliter l’intégration, Dresde a opté pour l’hébergement diffus des demandeurs d’asile dans des appartements répartis dans toute la ville. Les réseaux d’accueil assurent l’accueil et l’intégration des réfugiés dans la vie quotidienne et sociale, notamment par le travail bénévole dans les quartiers de la ville.
Pouvez-vous nous donner un exemple d’action marquante développée par votre ville sur ce sujet ?
Depuis 2004, notre administration municipale travaille sur la base de son propre concept d’intégration. Celui-ci décrit les domaines d’action et les mesures qui sont liés à l’immigration et qui devraient contribuer à l’égalité des chances et à une participation globale des personnes issues ou non de l’immigration à la vie sociale. En 2015, ce concept a été fondamentalement renouvelé et adapté aux nouvelles exigences liées à un afflux accru de migrants. Pour la première fois, des mesures spécifiques ont également été formulées pour le groupe des demandeurs d’asile.
Nous avons aussi créé à Dresde le poste de « coordinateur des volontaires pour l’asile ». Il assure la mise en réseau des activités municipales et de la société civile dans le domaine de l’aide aux réfugiés et rassemble les volontaires, leurs initiatives et des réfugiés. Nous avons également élargi massivement le domaine du travail social pour les réfugiés.
Quelles ont été les réactions de la population locale face à l’arrivée de ces personnes réfugiées ? Avez-vous mis en place une politique de communication particulière liée à cet accueil ?
Une grande partie de la population était très favorable à l’arrivée des réfugiés. La volonté de la population d’aider était et reste forte. De nombreuses personnes, associations et initiatives ont soutenu les nouveaux arrivants de diverses manières – en leur faisant don de vêtements, en les aidant à apprendre la langue allemande, en les accompagnant à leurs rendez-vous avec les administrations, en les soutenant dans leur intégration professionnelle et même en prenant volontairement la tutelle de migrants mineurs. Les associations et les projets s’efforcent de promouvoir les rencontres entre les populations locales et les réfugiés afin d’améliorer l’intégration sociale et la participation. Certains citoyens de Dresde ont repris le parrainage de migrants.
D’autre part, une plus petite partie de la population a créé une atmosphère hostile aux réfugiés et aux demandeurs d’asile. Fin 2014, l’alliance xénophobe et islamophobe Pegida a pu mobiliser jusqu’à plusieurs milliers de personnes. Des attaques isolées ont été perpétrées contre des structures d’accueil pour demandeurs d’asile, mais aussi contre des personnes qui accompagnaient les réfugiés.
L’administration municipale de Dresde s’est efforcée d’informer les citoyens à un stade précoce des missions et des projets liés à l’arrivée des réfugiés, afin de garantir également leur acceptation par la population. Grâce à l’organisation de « tables rondes », de rencontres de citoyens ou d’événements permettant le dialogue à l’Église Sainte-Croix de Dresde, il a été possible d’informer les citoyens, de signaler les problèmes liés à la prise en charge des migrants et de trouver ensemble des solutions. Il y avait des informations sur Internet, des « journées portes ouvertes » dans les hébergements temporaires et des tables rondes dans les quartiers où les migrants ont déménagé. Afin de façonner la coexistence des anciens et des nouveaux voisins dans les quartiers résidentiels, Dresde a mis en place un système global d’aide sociale aux réfugiés et quatre centres de coordination. Les coordinateurs sont des interlocuteurs dans les quartiers où vivent les migrants, organisent des parrainages et servent également de médiateurs dans les conflits.
Selon vous, quel peut être le rôle des villes pour l’accueil et l’intégration des demandeurs d’asile et réfugiés dans un contexte anti-migratoire croissant dans certains pays européens ?
Les villes jouent un rôle clé dans l’intégration des migrants. En plus du simple logement, elles fournissent des soins de santé, des cours de langue, un enseignement scolaire et, si nécessaire, une formation professionnelle, ainsi qu’une insertion dans le travail et le logement. Cependant, l’intégration d’un grand nombre de réfugiés est un défi majeur qui ne fonctionne pas sans le soutien de la société civile. La mission des villes est donc aussi de renforcer et de soutenir l’engagement civique des citoyens dans le contexte de la migration et de l’intégration.
Afin de désamorcer les conflits liés à l’afflux de demandeurs d’asile et de lutter contre la xénophobie, une promotion active de la démocratie et un travail préventif sont nécessaires. À cette fin, nous avons développé à Dresde notre propre programme d’action locale, grâce auquel nous renforçons avant tout l’engagement civil en faveur de la démocratie et de la diversité et promouvons des projets qui luttent contre le racisme, la xénophobie et la discrimination.
Pour mettre fin au populisme et aux populistes, les villes doivent s’engager dans des échanges directs avec leurs citoyens et les impliquer le plus possible dans l’aménagement urbain. Si des problèmes complexes peuvent être rendus compréhensibles et si les citoyens peuvent participer aux décisions et aux développements, cela crée la confiance et prive le populisme de son terrain fertile.
Comment la ville de Dresde s’investit-elle dans les réseaux de villes solidaires auxquelles elle appartient ?
La ville de Dresde est impliquée dans différents réseaux thématiques significatifs de villes. Il est important que nous échangions avec d’autres communes afin d’apprendre les unes des autres et de partager nos expériences.
Depuis 2016, Dresde est membre de la Coalition européenne des villes contre le racisme (ECCAR), une initiative de l’UNESCO. En coopération avec d’autres villes membres allemandes et européennes y sont développées des mesures pratiques contre la discrimination à l’encontre des personnes issues de l’immigration, des demandeurs d’asile et des réfugiés. La coalition soutient aussi leur participation équitable à la société. Le projet européen « CitiesGROW », auquel la ville-capitale de Dresde a participé ces deux dernières années avec 16 autres villes européennes et le réseau de villes européennes « EUROCITIES », a abordé un sujet similaire. L’objectif est d’échanger des informations sur les mesures visant à intégrer les migrants sur le marché du travail local. Dans le même esprit, la ville participe au projet « URBACT Arrival Cities » avec l’Université technique de Dresde. Les expériences et les résultats sont intégrés dans les stratégies et les concepts pertinents de la ville de Dresde.
Le « Dialogue international de Dresde », que nous avons organisé pour la première fois en 2017, est un nouveau format d’échanges pour la ville. Lors de discussions avec des maires de diverses villes européennes, des défis tels que la fuite, la migration ou la mondialisation ont été posés dans un contexte européen et des perspectives de réflexion et d’action ont été examinées.