Accord Union européenne-Egypte : le contrôle de la migration au cœur d’un accord « stratégique et global »
Équipe plaidoyer de France terre d'asile - Publié le 18 avril 2024© European Commission – Audiovisual Service
L’accord « stratégique et global » signé entre l’Union européenne (UE) et l’Égypte le 16 mars dernier comprend un volet « migration » qui témoigne de la détermination de l’UE à poursuivre l’externalisation de sa politique migratoire en multipliant les accords avec des pays voisins, malgré les risques de violation des droits humains qui y sont associés.
La Commission européenne a signé avec l’Égypte un nouvel accord qui comporte un important volet sur le contrôle de la migration, dans la continuité des accords conclus avec des pays tiers ces dernières années.
L’accord prévoit un « engagement total pour contrôler l’immigration clandestine » de l’Égypte à travers le renforcement des frontières, la lutte contre le trafic d’êtres humains et l’aide au retour. En échange, l’UE s’engage à fournir 7,4 milliards d’euros d’aide financière et à favoriser l’ouverture de voies d’immigration légales.
Ces objectifs figuraient également dans les accords conclus avec la Turquie (2016) et la Mauritanie (2024), et dans le memorandum d’entente avec la Tunisie (2023). Un accord similaire avec le Liban serait en passe d’être conclu, et un autre serait en cours de négociation avec le Maroc – des négociations évoquées par des fonctionnaires européens, mais dont la teneur est encore inconnue.
Les ONG et associations ont d’emblée alerté sur les risques que ce nouvel accord avec l’Égypte fait peser sur les droits humains.
Un accord « global » qui poursuit l’externalisation de la politique migratoire européenne
La communication de la Commission sur l’accord « stratégique et global » met en avant l’aide au développement prévue au titre de l’accord, là où les critiques voient plutôt un nouvel accord « cash for migrant control » (« du cash contre le contrôle migratoire »). 200 millions d’euros de subventions (sur un total de 7,4 milliards d’euros pour l’ensemble de l’accord, dont 5 millions de prêts, 1,8 milliards en investissements et 600 millions en subventions) sont alloués au chapitre « migration et mobilité » de l’accord. 200 millions d’euros supplémentaires visent à soutenir l’Egypte dans une « approche globale de la migration », couvrant les partenariats de mobilité professionnelle, les causes profondes de la migration irrégulière, la lutte contre la traite des êtres humains, les retours et la réintégration. Les autres piliers s’inscrivent de surcroît dans une stratégie plus globale de l’UE de « stabilisation » du pays, dont de nombreux ressortissants cherchent à rejoindre l’Europe, et par lequel transitent de nombreuses personnes réfugiées, notamment soudanaises. L’accord témoigne également de la volonté de la Commission de s’adjoindre l’Égypte comme partenaire stratégique dans la région, plus particulièrement depuis le début de la guerre à Gaza. De son côté, l’Egypte fait appel à l’aide internationale, du fait de la grave crise économique dans laquelle se trouve actuellement le pays.
Cette crise économique pourrait par ailleurs, selon Human Rights Watch, être alimentée par le recul de l’Etat de droit en Egypte et le contrôle de la société civile.
La protection des droits humains toujours laissée pour compte
La médiatrice européenne, Emily O’Reilly, a rappelé que la question des droits humains devait être prise en considération dans le cadre de ce type de coopération, les déclarations officielles autour de l’accord ne faisant que brièvement mention des droits humains, les deux parties s’engageant à « promouvoir la démocratie et les droits de l’homme » et à « protéger les droits des migrants et des réfugiés », sans garantie concrète. Si la médiatrice européenne ne prévoit pas à ce jour de se saisir de l’accord UE-Égypte, n’ayant pas reçu de plainte officielle, elle prévoit de lancer une enquête sur le memorendum d’entente avec la Tunisie.
En effet, s’il faisait lui aussi mention d’un engagement des deux parties pour le « respect des droits humains », l’été-même de la conclusion du partenariat, plus de mille personnes migrantes ont été abandonnées dans le désert à la frontière entre la Tunisie et la Libye, entraînant la mort d’au moins 27 personnes. Plusieurs associations et ONG signalent que la situation s’est empirée depuis un an dans le pays, et dénonce une « normalisation des violations des droits humains des personnes migrantes en Tunisie ».
L’Egypte ne s’est toujours pas dotée d’un cadre législatif pour l’asile, et les personnes migrantes sont régulièrement soumises à des refoulements illégaux, aux détentions arbitraires, au travail forcé et à aux violences physiques, comme le soulignent notamment plusieurs rapports de Human Rights Watch et Amnesty International.