Déclaration de l’état d’urgence en Italie
Équipe plaidoyer de France terre d'asile - Publié le 15 mai 2023Sur proposition du ministre de la protection civile et des politiques maritimes Nello Musumeci, le Conseil des ministres, dirigé par la Première ministre Giorgia Meloni, a décrété le 11 avril l’état d’urgence à l’échelle nationale pour les six prochains mois, soulignant une « hausse considérable » du nombre d’arrivées de personnes migrantes dans le pays depuis le début de l’année. En effet, 31 292 personnes sont arrivées par la mer en Italie entre le 1er janvier et le 11 avril, contre 7 928 à la même période en 2022, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur italien.
Dans son communiqué, le gouvernement italien justifie le déclenchement de l’état d’urgence par « des situations de surpeuplement très graves dans les centres de premier accueil », et en prévision d’une probable hausse des départs dans les mois à venir, notamment depuis la Tunisie, devenue le premier pays de départ des bateaux.
Ainsi, le gouvernement ambitionne de décongestionner le hotspot de Lampedusa en particulier, qui accueille plus de 1 880 personnes – soit près de 4 fois sa capacité d’accueil, en créant de nouvelles structures « adaptées aux besoins d’accueil des demandeurs d’asile ainsi qu’à l’éloignement des migrants qui ne remplissent pas les conditions requises pour séjourner sur le territoire national ». Pour cela, le plan d’urgence s’appuiera sur un financement initial de 5 millions d’euros, puis 20 millions sur 6 mois, issus du fonds national d’urgence. Ces fonds doivent servir à louer des immeubles pour organiser l’accueil des personnes migrantes mais également des avions et des navires pour les répartir entre les régions et assurer certains éloignements vers les pays d’origines.
Ce n’est pas la première fois que l’Italie instaure un état d’urgence en lien avec les arrivées de personnes migrantes : en 2011, le gouvernement de Silvio Berlusconi, avait utilisé cet outil juridique afin de répartir les personnes provenant d’Afrique du Nord entre les différentes régions italiennes.
Pour coordonner le plan d’urgence, le préfet Valerio Valenti a été nommé comme « commissaire », et peut agir sans contrôle institutionnel de la Cour des Compte ou du Parlement.
Un contexte de durcissement de la politique migratoire italienne
Si la création de nouvelles structures d’accueil est indispensable, les structures existantes étant surpeuplées et offrant des conditions de vie indignes, cet état d’urgence s’intègre aussi dans un contexte de durcissement juridique de la politique migratoire italienne, qui fait peser un risque sur les droits fondamentaux des personnes exilées.
Ce durcissement se traduit depuis le premier trimestre 2023 par l’émergence du « Code de bonne conduite des ONG » et du décret Cutro. Le premier décret-loi, entré en vigueur le 3 janvier 2023, vise à limiter les opérations de recherche et de sauvetage menées par les organisations de la société civile en mer Méditerranée. Le second est, quant à lui, né du conseil des ministres qui s’est tenu à Cutro le 9 mars 2023, suite au naufrage du 26 février au large de la ville qui avait couté la vie à au moins 93 personnes. Ce décret, dont la conversion en loi a été approuvée par le Sénat le 20 avril, vise à durcir les peines contre les passeurs, rendre plus stricte voire supprimer l’octroi du statut de protection spéciale – titre de séjour humanitaire qui permet de travailler, et accélérer les retours, notamment par une suppression de la validation de l’ordre d’éloignement par un juge.
Atteinte aux droits fondamentaux
En permettant la mise en place plus rapide et effective des ambitions en matière de retour du décret Cutro, l’état d’urgence risque de renforcer la menace de refoulement (pushbacks).
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Le regroupement en un seul endroit de l’accueil, la rétention et l’organisation des retours, ainsi que l’accélération du traitement des demandes, ne correspondent pas aux réalités temporelles nécessaires à une demande d’asile (suivi psychologique, rédaction d’un récit etc.) et risquent de conduire à des violations des droits des personnes migrantes.
Ces risques ont notamment été avérés le 30 mars dernier lorsque la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné l’Italie pour « traitements dégradants » à l’encontre de quatre Tunisiens retenus au hotspot de Lampedusa alors que leur privation de liberté était « dépourvue de base légale claire », et soumis à une « expulsion collective » sans examen individuel.
L’Italie et l’Union européenne, engagées sur le même chemin ?
Les procédés de rétention et de renvois que prévoit l’état d’urgence entrent largement en résonnance avec les ambitions du règlement « procédure » du nouveau Pacte migration et asile de la Commission européenne. Ce texte, en cours de négociation entre la Commission, le Conseil de l’UE et le Parlement, cherchera à s’inspirer des résultats du plan d’urgence italien pour guider sa politique.
En outre, l’Italie, tout comme l’Union européenne, intensifie ses relations en matière de gestion migratoire avec des pays tiers de transit, bien que le respect des droits humains n’y soit pas assuré. A titre d’exemple, une mission d’enquête des Nations unies affirme que les financements européens et italiens ont « encouragé » Tripoli à commettre des crimes contre l’humanité à l’encontre de migrants.
L’Italie a également interpellé l’Union européenne : Nello Musumeci a ainsi déclaré que la véritable « solution ne peut qu’être liée à une intervention réfléchie et responsable de l’Union européenne ». Le Parlement européen s’est lui aussi saisi de la question de l’état d’urgence en Italie en intégrant un débat sur « la nécessité d’une solidarité européenne pour sauver des vies en Méditerranée, en particulier en Italie » lors de sa session plénière le 18 avril. La question de la solidarité et de la gestion des arrivées aux frontières extérieures de l’Union continue d’ailleurs toujours à faire l’objet d’âpres débats dans le cadre des négociations sur la mise en œuvre du Pacte européen sur la migration et l’asile.