Pourquoi parler de l’intégration des réfugiés dans « Vues d’Europe » ?
En quelques décennies, la problématique de l’intégration des migrants a beaucoup changé en Europe. Chaque pays porte certes les traces de son histoire, des réussites et des ratés de l’intégration des générations précédentes ; et les sagas comme celle de « la famille Belloumi » (Stéphane Beaud) ne se ressemblent pas d’un pays à l’autre. Et pourtant, on ne pourrait analyser aujourd’hui le destin des immigrés comme le faisait Emmanuel Todd dans les années 80, à partir d’une confrontation des modèles d’intégration des Turcs en Allemagne, des Algériens en France ou des Indiens en Angleterre.
C’est que l’immigration est devenue une question commune. Les origines, les routes, voire les passeurs, sont de plus en plus les mêmes dans chacun des pays européens de destination. Et la part des besoins de protection internationale comme cause de la migration, qui a sensiblement augmenté, contribue à cette mise en commun.
L’intégration des réfugiés est donc un sujet qui monte en Europe, sans parler de celle de leurs familles qui ne vont pas tarder à les rejoindre. Il faut en parler.
C’est même urgent si on pense à la saturation des dispositifs d’intégration, dont nous sommes témoins, à France terre d’asile, dans les hébergements dédiés (les CPH), dans les CADA d’où les réfugiés reconnus peinent à sortir, et, pour finir, dans la rue et les campements, où nos maraudes trouvent souvent entre 15 et 20 % de réfugiés statutaires.
En même temps, la Commission européenne s’agite, entreprend à l’été 2020 une consultation publique à l’échelle de l’UE, publie le 9 novembre deux nouveaux rapports, et a adopté, le 24 novembre 2020, un nouveau plan d’action sur l’intégration et l’inclusion.
Il faut en parler, enfin, parce qu’il y a besoin d’une vision commune, dans ce domaine où la compétence européenne n’est qu’indirecte (le logement, les langues, l’éducation, les soins, sont l’affaire des États, voire des villes), faite de coordination et d’incitations, en direction d’acteurs nationaux qui ne voient souvent que leurs besoins propres, liés par exemple à la démographie et au marché du travail ici et maintenant.
Nous ne voulons pas que cette vision commune n’émerge dans l’opinion que dans les crises sécuritaires comme celle de cet automne.
Thierry Le Roy, Président de France terre d’asile