Quel rôle reconnaître aux villes ?
Voici une moisson bienvenue d’articles et d’infos sur la part que prennent les villes, en France et en Europe, dans l’accueil et l’intégration des réfugiés. Part subie, parfois, pour les villes liées aux frontières extérieures ou intérieures de l’espace Schengen, mais part souvent revendiquée, désormais, par des villes qui s’organisent en réseaux.
Cela devrait nous amener à mieux connaître le phénomène, à essayer de mesurer son impact réel, au-delà de la multitude spectaculaire des réseaux de villes accueillantes et de leurs actions.
Cela nous amènera en tous cas à le reconnaître. C’est chose aisée pour les associations comme France terre d’asile et les acteurs de la société civile qui, lorsqu’ils travaillent à l’accueil des réfugiés avec des fonds d’État, savent qu’on ne peut bien le faire dans des villes hostiles. Nous allons aujourd’hui plus loin, en participant activement aux forums réunissant villes et associations de plusieurs pays européens plaidant pour cette reconnaissance, comme nous avons commencé de le faire avec celles d’Allemagne notamment, à Paris en mars dernier, puis à Berlin en novembre.
Mais quels rôles est-il légitime de reconnaître aux villes ?
On voit la force des villes : administrées par des élus des sociétés locales d’accueil, en prise directe avec les problématiques de l’accueil et de l’intégration des étrangers, elles savent mieux que d’autres ce qui est possible et ce qui est nécessaire. De ce fait, leurs actions et leurs élus sont souvent au cœur des débats sur les politiques à mener, comme le montre ce numéro de Vues d’Europe. On voit que ce sont les villes qui sont à l’initiatives des maraudes, ou des actions humanitaires les plus urgentes ; on voit aussi que leurs actions peuvent les placer en opposition aussi bien qu’en complément à celles de l’État.
C’est peut-être alors la limite de la légitimité des villes. Les compétences qu’elles revendiquent ne doivent pas décharger l’État, compétent pour admettre les demandeurs d’asile et reconnaître les réfugiés, de ses responsabilités dans l’organisation de l’accueil, la mise à l’abri ou la répartition sur le territoire. Le besoin d’une telle organisation, aujourd’hui si défaillante (en France, tout au moins, où on va jusqu’à assigner les demandeurs d’asile à un guichet sans leur proposer un hébergement dans la même région), c’est un de nos leitmotivs, à France terre d’asile, et nous pourrions difficilement admettre un pouvoir reconnu de véto des autorités locales à tout projet de centre d’accueil ou d’hébergement.
Clarification, mais pas décharge des responsabilités.
Thierry Le Roy, Président de France terre d’asile
France terre d’asile dans les villes françaises
France terre d’asile est implantée de longue date dans une cinquantaine de villes autour d’activités liées à son objet social et la mise en place d’établissements médico-sociaux. Ces villes se déclinent par ordre d’importance démographique, de la plus grande, Paris, au plus petit village, Chambon-le-Château en Lozère, et de la plus ancienne, Créteil, à la plus récente, Versailles.
Si dans les années 2000, l’arrivée de l’organisation fut plutôt bien accueillie par les municipalités en place, les relations sont plus complexes aujourd’hui. En effet, à l’origine, l’implantation de structures en hébergement éclaté, tels que se présentent les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, était plutôt perçue comme amenant de l’emploi sur un territoire, et de la sécurité. Mais avec le temps ou l’augmentation des flux et la multiplication de situations délicates au regard du droit des étrangers (par exemple les déboutés ou les « dublinés »), les municipalités laissées en première ligne dans le traitement de ces dossiers, et aux prises avec les collectifs locaux, se sont montrées plus réticentes. Les relations avec les municipalités oscillent donc entre frilosité, indifférence et pleine implication dans l’accueil des publics concernés, accès aux équipements sportifs, culturels, d’éducation. Cela reste fort heureusement la règle la plus courante. Les plus grandes villes mobilisent quant à elles des moyens pour organiser le soutien de la société civile. Là comme ailleurs, nous mesurons combien le changement de regard sur la question de l’asile et des migrations est un combat permanent.