Hausse des arrivées en Méditerranée centrale : l’UE et l’Italie renforcent leur coopération avec la Tunisie et la Libye
Équipe plaidoyer de France terre d'asile - Publié le 15 juin 2021© UNHCR / Alessio Mamo
Depuis le début de l’année 2021, l’Italie fait face à une recrudescence des arrivées de personnes en quête de protection. Selon les données officielles du ministère de l’Intérieur italien, 14 768 migrants sont arrivés par voie maritime sur les côtes de la péninsule entre le 1er janvier et le 1er juin 2021, contre 5 119 durant la même période l’année dernière, soit une hausse des arrivées de près de 198 %.
En parallèle, le nombre de décès de migrants sur la route de la Méditerranée centrale est en nette augmentation. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en recense près de 675 depuis le début de l’année, contre 160 au total en 2020.
Face à cette situation, la Commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, a appelé le 10 mai les États membres de l’Union européenne (UE) à faire preuve de solidarité avec l’Italie en accueillant une partie des migrants arrivés sur les côtes italiennes. La Commissaire a notamment exprimé son souhait de mettre en place un mécanisme de relocalisation temporaire entre États membres pour faire face à l’urgence de la situation. Néanmoins, seule l’Irlande a répondu positivement à cet appel le 17 mai en acceptant d’accueillir symboliquement dix demandeurs d’asile sur son sol.
Une coopération renforcée avec la Tunisie et la Libye
Alors que l’Italie est redevenue depuis le début de l’année l’un des principaux points d’entrée dans l’UE, notamment pour les migrants en provenance de Tunisie qui représentent près de 13,5 % des arrivées dans le pays, l’UE poursuit sa stratégie d’externalisation de sa politique migratoire. Le 20 mai, la ministre italienne de l’Intérieur Luciana Lamorgese et la Commissaire européenne Ylva Johansson se sont ainsi rendues à Tunis, en Tunisie, pour proposer des aides économiques visant à « créer de nouvelles opportunités d’emploi » pour « faire face aux conséquences économiques de la pandémie », en échange d’un effort accru de Tunis pour limiter les départs de migrants des côtes tunisiennes.
En visite à Bruxelles le 4 juin, Kaïs Saïed, Président de la République tunisienne, s’est également entretenu avec Charles Michel, Président du Conseil européen, Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne et David Maria Sassoli, Président du Parlement européen, au sujet d’un accord de coopération relatif à « tous les aspects de la migration ». Kaïs Saïed a toutefois appelé l’UE à ne pas traiter la question migratoire uniquement avec une approche sécuritaire, rappelant la nécessité de lutter contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains, souvent « encouragés par des réseaux européens ».
En parallèle, l’UE et l’Italie ont relancé le dialogue avec l’exécutif libyen. Mario Draghi, président du Conseil des ministres italien, a ainsi rencontré le Premier ministre libyen, Abdel Hamid Dbeibah, à Rome le 31 mai, pour renforcer l’accord conclu en 2017 entre les deux pays visant à prévenir les départs de migrants des côtes libyennes. Si la Libye a réitéré son engagement auprès de l’Italie, M. Draghi a appelé à une « action rapide et déterminée de l’UE » concernant la hausse des arrivées en Méditerranée centrale, déclarant qu’il ne s’agit pas seulement « d’une responsabilité libyenne, maltaise ou italienne mais commune ».
Les politiques de l’UE en Méditerranée condamnées par les Nations unies
Alors que l’UE intensifie sa coopération avec certains États d’Afrique du Nord, un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), publié le 26 mai, dénonce la responsabilité et les politiques actuelles de l’UE et de la Libye en Méditerranée, qui « échouent à donner la priorité à la vie, à la sécurité et aux droits humains des personnes qui tentent de passer d’Afrique en Europe ».
Les Nations unies exhortent ainsi l’UE et la Libye à réformer leurs opérations de recherche et de sauvetage de migrants, les organisations humanitaires ayant souvent été empêchées d’effectuer des sauvetages au cours de ces derniers mois. Ainsi, à la date du 15 juin, parmi la multitude de navires humanitaires engagés en mer Méditerranée, seul le Geo Barents, affrété par l’ONG Médecins sans frontières, ainsi que l’Aita Mari du collectif espagnol Maydayterraneo, sont opérationnels. Certains navires, comme le Sea-Eye 4, sont immobilisés depuis plusieurs semaines par les autorités italiennes pour des motifs plus opaques, notamment en raison « d’irrégularités » de nature technique.
Alors que l’UE soutient l’accord conclu entre l’Italie et la Libye visant à déléguer aux effectifs libyens une part importante des opérations de recherche et de sauvetage, le rapport des Nations unies rappelle également que la Libye n’est pas un lieu sûr pour débarquer les migrants. Selon les données du HCDH, au moins 10 352 personnes ont été interceptées par les garde-côtes libyens en 2020 avant d’être ramenées en Libye, dont 495 seulement sur la période allant du 23 au 29 mai. Pour la plupart, ces périples avortés sont suivis de placement en centre de détention et de diverses violations de leurs droits humains sur le sol libyen.
Malgré ce rapport des Nations unies, l’UE continue de rejeter toute responsabilité. Peter Stano, porte-parole de la Commission européenne, a ainsi déclaré le 28 mai que l’Union « n’était pas la cause de la tragédie de la migration irrégulière », ne pouvant ainsi être « tenue pour responsable du fait que des personnes perdent la vie ».