Hongrie et Pologne à la tête du Conseil de l’UE : des présidences qui inquiètent
Équipe plaidoyer de France terre d'asile - Publié le 25 juin 2024La présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, co-législateur de l’Union, reviendra en juillet 2024 à la Hongrie de Viktor Orbán, puis en janvier 2025 à la Pologne. Au regard des politiques menées par ces deux pays en matière de migration et d’asile, ces présidences soulèvent de nombreuses questions sur le respect des droits fondamentaux, particulièrement en ce qui concerne la Hongrie.
Alors qu’elle s’apprête à prendre la tête du Conseil de l’UE, la Hongrie vient de se voir infliger par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) une amende pour non-respect du droit d’asile. Cette sanction vient allonger la liste de condamnations dont le gouvernement d’Orbán a fait l’objet. En 2015, la Hongrie avait lancé la construction d’un mur sur sa frontière avec la Serbie et mis en place des « centres de transit » dans lesquels la rétention des personnes migrantes avait finalement été jugée illégale par la CJUE. En 2020, la Cour de Justice de l’UE condamnait à nouveau la Hongrie, considérant que sa politique d’asile ne permettait pas un « accès effectif à la procédure d’octroi de la protection internationale ».
Outre ces condamnations relatives à sa politique migratoire, la Hongrie a fait l’objet d’un déclenchement de l’article 7 du traité sur l’Union européenne pour violation des valeurs de l’UE en 2018, procédure toujours en cours qui pourrait conduire à la suspension de ses droits de vote au sein du Conseil de l’UE.
La même procédure, entamée en 2017 à l’encontre de la Pologne devrait pour sa part être levée. Donald Tusk, leader d’une coalition centriste, ayant succédé au parti conservateur Droit et Justice, promettait le retour de l’État de droit dans le pays. Mais ce dernier semble pour le moment poursuivre la politique anti-migrants de ses prédécesseurs. Le premier ministre polonais a ainsi annoncé en mai 2024 vouloir engager 2,3 milliards d’euros pour renforcer la frontière orientale du pays, afin de faire face à ce qu’il qualifie de « chantage aux migrants » orchestré par la Russie et la Biélorussie. La Hongrie et la Pologne se sont également rendues coupables de refoulements illégaux, souvent violents, à leurs frontières.
Budapest et Varsovie restent alignées sur la migration et l’asile
La question « démographique » figure en bonne place dans l’agenda de la Présidence hongroise du Conseil de l’UE, en cherchant des solutions « dans la politique familiale plutôt que dans la migration », précisait début mai 2024 Judit Varga, tête de liste du parti de Viktor Orbán aux élections européennes de 2024. Une des sept priorités du programme placé sous le slogan « Make Europe great again » vise d’autre part à « endiguer l’immigration irrégulière » par une coopération plus étroite avec les pays tiers et une « attention particulière portée à l’effectivité des retours ». Cette présidence sera la dernière du « trio » dont fait partie la Hongrie avec la Belgique et l’Espagne, auquel succèdera le trio composé de la Pologne, du Danemark et de Chypre.
La Hongrie et la Pologne, qui assureront donc au total un an de présidence entre juillet 2024 et juin 2025, partagent des politiques migratoires axées sur la fermeture des frontières. Membres du groupe de Višegrad, qui a joué le rôle de bloc anti-immigration au sein de l’UE, les deux États sont actuellement opposés aux 25 autres États membres au sujet du Pacte européen sur la migration et l’asile. Adopté par les eurodéputés en avril 2024, le Pacte a été approuvé par les États membres réunis au sein du Conseil de l’UE le 14 mai 2024, malgré l’opposition des deux pays. Budapest et Varsovie s’opposent notamment au mécanisme de solidarité, qui prévoit un système de relocalisation, malgré la possibilité pour les États d’y déroger en contribuant financièrement aux éloignements ou à la gestion des frontières.
Des doutes quant à la neutralité de la Présidence hongroise
L’État membre assurant la présidence du Conseil de l’UE est chargé d’assurer la continuité des travaux législatifs de l’UE et de planifier les sessions du Conseil. Chaque présidence définit ses priorités, en décidant quels textes seront examinés par le Conseil afin qu’il adopte une position. Il est attendu des représentants de l’État présidant le Conseil qu’ils soient le plus neutres possible, afin de favoriser la recherche du consensus entre États membres.
Sur ce point aussi, la Présidence de la Hongrie soulève des interrogations. Si le porte-parole international du gouvernement a fait savoir que la Hongrie ne retirerait pas de questions de l’agenda convenu avec les deux autres États de son « trio » de présidence, il a souligné que le pays n’hésiterait pas non plus à « faire entendre sa voix ». Le Parlement européen s’est ainsi inquiété de la capacité de la Hongrie à tenir une position de neutralité, alors que le pays est en conflit avec l’UE sur plusieurs sujets, à travers une résolution alertant sur « les efforts délibérés et systématiques [de la Hongrie] visant à saper les valeurs de l’UE ».
La Hongrie semble aujourd’hui adopter, comme une partie de l’extrême droite européenne, un changement de stratégie vis-à-vis de l’UE, en cherchant davantage à peser politiquement au sein des institutions et à influencer les politiques publiques qu’à se positionner systématiquement en opposition avec le système européen. Elle a ainsi accueilli à la fin du mois d’avril 2024 un congrès de l’extrême-droite européenne et américaine à Budapest, réuni sous la bannière « non au wokisme, non aux questions de genre et à la migration ».
La Hongrie accède en outre aux leviers de la présidence à l’issue des élections européennes de juin, dont l’extrême-droite, bien que divisée au Parlement européen, est sortie renforcée.