L’accueil des déplacés d’Ukraine en Europe à l’épreuve d’une guerre qui s’enlise
Équipe plaidoyer de France terre d'asile - Publié le 30 mars 2023Un an après le déclenchement de la guerre, plus de huit millions de déplacés d’Ukraine ont été comptabilisés en Europe (y compris en Russie), et près de 4,9 millions d’entre eux bénéficient de la protection temporaire. Au début du conflit, les personnes se sont principalement réfugiées dans les pays limitrophes comme la Pologne, la Roumanie, la Hongrie ou la Moldavie. Si la Pologne est toujours le pays qui accueille le plus un an après avec plus d’un million et demi de personnes, un déplacement a été observé vers l’Ouest, notamment vers l’Allemagne qui accueille plus d’un million de personnes, ou encore vers la République tchèque, l’Italie et l’Espagne, où les diasporas ukrainiennes sont importantes. Comparativement, la France fait partie des pays européens ayant le moins accueilli relativement à sa population, avec près de 115 000 personnes recensées de manière cumulée depuis le début de la guerre.
Une base juridique commune, mais des disparités selon les pays
Des disparités entre les États membres s’observent également dans la mise en œuvre de la protection temporaire. Dans ses lignes directrices du 18 mars 2022, la Commission européenne fixait les orientations globales d’application de la directive sur la protection temporaire, en laissant cependant une grande marge de manœuvre aux États. Ainsi, presque aucun pays européen n’a donné l’accès à la protection temporaire aux personnes non-Ukrainiennes qui résidaient dans le pays avant le conflit – notamment les étudiants ressortissants de pays tiers – à l’exception du Portugal, de l’Espagne et de l’Allemagne.
En parallèle, bien que le statut spécifique lié à la protection temporaire permette un accès immédiat aux droits, les déplacés d’Ukraine restent confrontés, comme d’autres réfugiés, à d’importants freins à l’intégration dans leurs pays d’accueil. Malgré les efforts engagés par l’Union européenne pour faciliter leur insertion sur le marché du travail, notamment avec le lancement par la Commission européenne de la plateforme « EU Talent Pool » en octobre dernier, un rapport de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) publié en février dernier révèle que la plupart des déplacés rencontrent des difficultés à accéder à un emploi, souvent en raison de la barrière de la langue. Ces obstacles entravent leur accès à un logement pérenne, alors que les principaux pays d’accueil sont par ailleurs confrontés à une pénurie de logements dans les grandes villes. Depuis janvier dernier, la Pologne exige ainsi une contribution financière de la part des déplacés d’Ukraine hébergés dans des centres d’accueil collectifs.
Quid de « l’après » protection temporaire ?
Alors que la guerre pourrait perdurer, l’intégration des bénéficiaires de la protection temporaire sur le long terme s’inscrit comme un véritable enjeu à l’échelle européenne. Des pistes de réflexion ont ainsi été engagées pour identifier l’instrument le plus adéquat pour prendre le relai de la protection temporaire. La proposition de refonte de la directive « Résidents de longue durée » de 2003 – dont les négociations sont en cours au Parlement européen – pourrait ainsi sécuriser le séjour des déplacés d’Ukraine qui souhaiteraient rester sur le territoire de l’Union.
Certains États ont anticipé cette question comme l’Irlande qui prévoit notamment de leur faciliter l’accès à un titre de séjour longue durée, ou l’Allemagne, confrontée à des pénuries de main-d’œuvre, qui envisage la question sous l’angle de l’accès au travail.
L’Union européenne a su démontrer une unité et une réactivité sans précédent pour accueillir les personnes fuyant l’Ukraine : saura-t-elle transformer l’essai pour garantir un accueil dans la durée et anticiper de nouvelles crises ?