Le Royaume-Uni reste déterminé à transférer les demandeurs d’asile vers le Rwanda malgré l’opposition de la justice européenne
Équipe plaidoyer de France terre d'asile - Publié le 28 juin 2022Suite à la signature d’un mémorandum d’entente avec le Rwanda le 14 avril dernier dans le but d’y transférer toute personne entrée de manière irrégulière au Royaume-Uni depuis le 1er janvier, le gouvernement britannique tablait sur un premier vol d’expulsion de demandeurs d’asile vers le pays d’Afrique de l’Est le 14 juin. Toutefois, après avoir été dans un premier temps retardé en raison de plusieurs contestations judiciaires, ce premier vol a finalement été annulé au dernier moment suite à une mesure d’urgence provisoire de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) contre l’éloignement d’un demandeur d’asile irakien.
Tenant compte des préoccupations du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) qui estime que les demandeurs d’asile transférés du Royaume-Uni au Rwanda « n’auraient pas accès à des procédures équitables et efficaces pour la détermination du statut de réfugié » – la CEDH a jugé que les transferts ne pouvaient avoir lieu avant que la justice britannique ait examiné la légalité de l’accord conclu entre les deux pays. Alors que cet examen est prévu devant la Cour suprême du pays d’ici fin juillet, le gouvernement britannique semble toutefois déterminé à contourner la justice européenne pour mettre en œuvre sa politique d’externalisation.
Une volonté de contourner les décisions de la CEDH
Jugeant la décision de la CEDH « décevante » et « surprenante », la ministre de l’Intérieur britannique Priti Patel a toutefois assuré dès le lendemain, lors d’un discours à la Chambre des communes, que le gouvernement ne se laisserait pas « décourager », annonçant par la même occasion que les préparatifs des prochains vols avaient déjà commencé. De son côté, la porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo, a déclaré le même jour que son pays restait « pleinement engagé à œuvrer pour que ce partenariat fonctionne », une déclaration confirmée par une intervention du président rwandais Paul Kagame le 21 juin.
En parallèle, le 20 juin, le gouvernement britannique a signalé devant la Cour suprême son intention de demander à la CEDH un réexamen de la mesure provisoire d’urgence prise en vertu de l’article 39 de son règlement. La CEDH devrait apporter une réponse dans les prochains jours.
Outre ces intentions, le Royaume-Uni a également présenté le 22 juin devant le Parlement un projet de loi « Bill of Rights », censé remplacer la loi Human Rights Act de 1998, qui permettrait d’outrepasser les décisions de la CEDH. Ce projet de loi assurerait ainsi la primauté de la Cour suprême et des cours d’appel britanniques sur la CEDH.
Si cette option a finalement été retenue, le gouvernement avait, dans un premier temps, envisagé la possibilité de se retirer de la Convention européenne des droits humains. Évoquée par Boris Johnson lui-même le 14 juin en amont du vol, et prônée par certains députés conservateurs, cette éventualité divisait cependant le gouvernement, notamment en raison des répercussions qu’elle aurait pu avoir sur d’autres accords.
Un durcissement global de la politique migratoire britannique
Outre l’externalisation du traitement des demandes d’asile au Rwanda, le gouvernement britannique reste également déterminé à durcir d’autres volets de sa politique migratoire. Dernier développement en date, la mise en place le 15 juin d’une mesure permettant de localiser, à l’aide de bracelets électroniques équipés de GPS, les personnes arrivées de manière irrégulière sur le territoire britannique. Dans le cadre de cette nouvelle mesure, les demandeurs d’asile devront se présenter régulièrement en personne aux autorités dans un commissariat ou un centre dédié à l’immigration, sous peine d’être envoyées en centre de rétention en cas de manquement à ces obligations.
Les personnes qui ne seraient pas concernées par les transferts vers le Rwanda seraient ainsi soumises à cette nouvelle mesure. Par ailleurs, les personnes reconnues comme victimes de torture et de traite des êtres humains ne devraient pas en être exemptées selon les nouvelles directives du ministère de l’Intérieur, qui envisagent par ailleurs de restreindre les critères permettant de considérer une personne comme victime de traite – une catégorie d’exilés normalement protégée contre les expulsions immédiates.