L’Union européenne et Chypre concluent un accord pour tenter d’améliorer l’accueil des migrants
Équipe plaidoyer de France terre d'asile - Publié le 01 mars 2022© UNHCR
La commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, et le ministre chypriote de l’Intérieur, Nicos Nouris, ont signé le 21 février un mémorandum d’entente pour améliorer l’accueil et la prise en charge des personnes en besoin de protection qui arrivent à Chypre.
Ce nouvel accord met à jour et consolide le plan d’action qui était en vigueur depuis décembre 2020, en prévoyant un soutien financier et opérationnel accru de la part de l’Union européenne (UE). Il prévoit notamment le renforcement de la coopération de Chypre avec Frontex, l’Agence européenne des garde-frontières et garde-côtes, Europol, et la nouvelle Agence de l’UE pour l’asile – dans le but d’établir « un système de gestion équitable, efficace et durable des flux migratoires et de l’asile » sur l’île, dans le respect du droit de l’UE.
Le nouveau plan comprend cinq objectifs. En premier lieu, il s’agit de renforcer les capacités de premier accueil et d’améliorer les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile, notamment l’accès à un hébergement digne. L’objectif est également de réduire les délais de traitement des demandes d’asile, et de mettre en œuvre des procédures de retour plus « rapides et efficaces » pour les personnes déboutées de l’asile. Une stratégie d’intégration devra également être élaborée en faveur des bénéficiaires d’une protection internationale, avec une attention particulière accordée pour les plus vulnérables.
En outre, la Commission européenne s’est engagée à accroitre les fonds alloués à Chypre pour la période 2021-2027 afin d’aider le pays à atteindre les différents objectifs fixés. La Commission promet également d’aider Chypre à solliciter les États membres de l’UE pour réclamer des réponses solidaires face à la hausse des arrivées sur l’île, notamment sous la forme d’opérations de relocalisation ou de soutien aux procédures de retour.
Cet accord s’inscrit en effet dans un contexte de forte hausse du nombre d’arrivées de personnes en besoin de protection à Chypre ces derniers mois. Dans un communiqué publié le 17 février dernier, Frontex indique ainsi que près de 12 360 personnes sont arrivées sur l’île en 2021, soit plus du double par rapport à 2020. Par ailleurs, le pays était depuis plusieurs années l’État de l’UE accueillant le plus de demandeurs d’asile rapporté à sa population de 850 000 habitants, avec 8 448 primo-demandeurs rien qu’en 2020 selon les données d’Eurostat. Nicosie affirme ainsi que 4,6 % de sa population est désormais constituée de demandeurs d’asile ou de réfugiés.
Face à cette hausse des arrivées, les conditions d’accueil des demandeurs d’asile sur l’île se sont fortement détériorées. Le 21 janvier, Katja Saha, la Représentante du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à Chypre, s’était par ailleurs alarmée de la situation de 280 mineurs isolés étrangers au sein du camp de Pournara. Elle y avait constaté une forte dégradation des conditions de vie en raison de la surpopulation du camp qui accueille 2 300 personnes pour une capacité initiale de 1 000 personnes.
Située aux portes de l’Europe, en Méditerranée orientale, le gouvernement chypriote accuse la Turquie d’instrumentaliser la question migratoire et d’encourager les personnes en besoin de protection, notamment en provenance d’Afrique subsaharienne, à se rendre en République Chypriote du sud dans le but de déstabiliser le pays. Ces derniers arrivent ainsi dans le nord de l’île de Chypre par bateau depuis le continent turc, avant de traverser la « ligne verte » poreuse – une zone tampon patrouillée par les forces de maintien de la paix de l’ONU, qui divise l’île entre la partie chypriote turque et celle grecque du sud, internationalement reconnue. Les deux pays entretiennent des relations tendues depuis 1974, date depuis laquelle la Turquie occupe le Nord de l’île.
Au vu des appels à l’aide répétés du gouvernement chypriote, le directeur de Frontex, Fabrice Leggeri, a reconnu que l’État insulaire était confronté à un défi qui nécessitait un « soutien extraordinaire ». Le Vice-Président de la Commission européenne Margaritis Schinas doit se rendre en Turquie le 18 mars pour évoquer – et apaiser – la situation entre les deux pays.