Besoins croissants de protection : le HCR présente sa stratégie mondiale sur la réinstallation et les voies complémentaires
Plus de 1,44 million de réfugiés résidant dans 60 pays auront besoin d’être réinstallés en 2020, selon les projections du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Cela représente une augmentation de 1 % par rapport aux besoins estimés pour l’année 2019, et de 20 % par rapport à ceux de 2018. Pour y répondre, le HCR a présenté le 1er juillet une stratégie triennale (2019-2021) sur la réinstallation et les voies d’admission complémentaires. Cette stratégie, prévue dans le Pacte mondial sur les réfugiés[1], vise à faciliter l’accès de ces derniers aux voies légales complémentaires et à accroître le nombre de places et de pays de réinstallation pour inclure les États qui ne participent pas encore aux efforts mondiaux dans ce domaine, et consolider les programmes émergents. Alors que le nombre de personnes en besoin de réinstallation s’élevait à 1,2 million l’année dernière, le HCR a soumis moins de 82 000 dossiers, avec un taux d’acceptation de 87 % de la part des États, couvrant ainsi seulement 6 % des besoins recensés. L’an passé, 25 pays ont accueilli 92 400 personnes dans le cadre de programmes de réinstallation, dont 55 680 en lien avec le HCR. Il demeure néanmoins un écart croissant entre le nombre de personnes en besoin de réinstallation et le nombre de places mises à disposition par les gouvernements. L’augmentation constante du nombre de personnes en besoin de protection, en particulier les plus vulnérables, constitue un défi d’ampleur pour le HCR. C’est pourquoi, avec sa nouvelle stratégie basée sur trois priorités, l’organisation onusienne ambitionne, d’ici 2028, qu’un million de réfugiés bénéficient de la réinstallation dans 50 pays d’accueil et que 2 millions aient accès aux voies légales complémentaires.
Tout d’abord, le HCR a pour but de mettre en œuvre davantage de programmes durables de réinstallation et de renforcer ceux qui existent déjà : plus de places seraient ainsi créées, avec de nouveaux pays, et en adéquation avec les besoins actuels, afin d’avoir un impact maximum en termes de protection. L’utilisation de moyens innovants pour améliorer l’efficacité et l’intégrité de ces programmes, notamment via la simplification des modalités de traitement des dossiers, ou le développement de partenariats à grande échelle au niveau national, doivent y contribuer.
Ensuite, devant les difficultés rencontrées par les réfugiés pour en bénéficier et l’absence de coordination entre les structures pour les promouvoir, le HCR souhaite développer l’accès aux voies complémentaires. La création de groupes de travail multi-intervenants spécialisés et le renforcement de la participation des réfugiés eux-mêmes, par exemple en impliquant les diasporas pour informer les personnes en besoin de protection, amélioreront l’accès aux voies complémentaires et développeront de nouvelles opportunités.
Enfin, la stratégie vise à promouvoir l’accueil des réfugiés et à encourager le développement de sociétés inclusives, ce qui peut passer par la mobilisation des autorités nationales et locales, par exemple en favorisant la coopération entre les villes pour renforcer la capacité des autorités locales et encourager l’innovation.
Dans le cadre de cette stratégie, guidée par plusieurs principes clé, parmi lesquels le partage des responsabilités et la non-discrimination, plusieurs approches et outils seront utilisés : activités de plaidoyer pour encourager la mise en place de législations et de pratiques encourageant le développement de la réinstallation et des voies complémentaires ; mobilisation d’expertise et collaboration entre les différentes parties prenantes pour promouvoir les actions collectives et la coopération intersectorielle; récolte de données afin d’évaluer l’efficacité et la viabilité des programmes ; appui aux innovations scientifiques, techniques et sociales pour mieux servir les réfugiés et leurs communautés; soutien à la participation des réfugiés pour leur permettre d’exercer leurs droits et devoirs et être acteur de changement.
Selon les chiffres du HCR, les réfugiés les plus à risque en besoin de réinstallation sont les Syriens (40 %), suivis des réfugiés sud-soudanais (14 %) et ceux originaires de la République démocratique du Congo (11 %). À l’occasion des dernières Consultations tripartites annuelles lors desquelles la stratégie a été présentée, Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, a souligné qu’il est nécessaire que la responsabilité des crises mondiales soit partagée de manière plus équitable car « l’écrasante majorité, 84 %, des réfugiés du monde entier est accueillie dans des régions en développement confrontées à leurs propres défis économiques et de développement et dont la population peut vivre en dessous du seuil de pauvreté ». L’Afrique de l’Est et la Corne de l’Afrique sont les régions du monde qui comptent le plus de personnes en besoin de réinstallation (450 000), suivies de la Turquie (420 000), qui accueille actuellement 3,7 millions de réfugiés, du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (250 000 à elles deux) et de l’Afrique centrale et des Grands Lacs (près de 165 000).
En définitive, si la réinstallation est un mécanisme qui tend à se développer, avec des besoins toujours croissants, la mise à disposition de places par les États conditionne pleinement sa mise en œuvre effective. Le prochain Forum mondial sur les réfugiés qui se tiendra les 17 et 18 décembre prochains à Genève, un an après la signature du Pacte mondial sur les réfugiés, sera l’occasion pour les différents pays de prendre des engagements concrets en termes de mise à disposition de places de réinstallation et de « contributions matérielles, techniques et financières » dans différents domaines, comme l’éducation, l’énergie ou les infrastructures.
[1] Le Pacte mondial sur les réfugiés des Nations unies a été adopté le 17 décembre 2018 et vise à renforcer la réponse internationale aux mouvements massifs de réfugiés en « renforçant la coopération et la solidarité avec les réfugiés et les pays d’accueil affectés ».