"Les maires sont devenus des « modèles de résistance » parce qu’il le fallait, et c’est quelque chose dont nous sommes vraiment fiers"
Magid Magid, Député européen britannique (Verts/ALE)Dans le passé, vous avez adopté une position ferme à l’encontre des positions de votre gouvernement sur la migration. Considérez-vous que les villes et les maires deviennent des « modèles de résistance » à l’heure où une rhétorique anti-migration se développe dans certains États membres de l’Union européenne ?
Oui, sans aucun doute. Au Royaume-Uni et, j’en suis sûr, dans tous les États membres de l’Union européenne (UE) également, les gouvernements nationaux ne font pas beaucoup en termes de soutien aux migrants et aux réfugiés et, par conséquent, nous avons vu d’incroyables maires qui – en raison de la dévolution des pouvoirs – ont commencé à travailler non plus seulement dans une région mais aussi pour les gens.
Là où les gouvernements ont échoué, les autorités locales et les maires ont pris les devants. Ils ont voulu promouvoir les avantages de l’arrivée de réfugiés dans une ville. Les maires sont devenus des « modèles de résistance » parce qu’il le fallait, et c’est quelque chose dont nous sommes vraiment fiers.
Autrement dit, lorsque les gouvernements ne sont pas disposés à jouer un rôle de chef de file dans ce domaine, [cette responsabilité] revient immédiatement aux personnes suivantes, à savoir aux acteurs régionaux ou municipaux. La plupart du temps, c’est aux maires qu’il incombe de se demander « que pouvons-nous faire ? », « qu’allons-nous faire ? », et c’est dans ce sens qu’ils ont été des modèles de résistance.
À l’heure actuelle, au Royaume-Uni et dans toute l’Europe, il y a une rhétorique négative massive sur la migration. De nombreux groupes d’extrême droite affirment, par exemple, que les gens ne peuvent pas se loger, qu’il n’y a pas de places à l’école et que tout cela est dû aux migrants et aux réfugiés, ce qui n’est pas vrai. Tout cela est dû à l’échec des politiques gouvernementales ou aux priorités nationales. C’est pourquoi, lorsque j’étais maire et que je me suis présenté en tant que député européen, j’ai tenu à souligner le fait que ces personnes qui viennent dans notre pays apportent en fait bien plus que ce qu’elles prennent, enrichissant nos vies sur tous les plans (culturel, économique, etc.).
Voyez-vous des initiatives réussies à Sheffield en termes d’accueil et d’intégration des réfugiés qui pourraient être reproduites dans d’autres villes ?
Dès le début, Sheffield s’est déclarée comme la première « ville sanctuaire » (« City of Sanctuary ») du Royaume-Uni pour que, dès le départ, d’autres villes puissent avoir plus de courage pour dire « non, nous acceptons des réfugiés, ce sont des êtres humains. En tant que ville, nous sommes prêts à faire tout ce que nous pouvons pour soutenir ces personnes ». Ce fût un premier signal fort envoyé aux États membres ou aux gouvernements actuels.
En plus de cela, nous avons vraiment rassemblé toutes nos ressources pour financer des associations caritatives pour les réfugiés, des cabinets juridiques, des logements pour les enfants etc. Nous nous sommes réunis et avons lancé des programmes d’aide aux réfugiés qui viennent à Sheffield, pour leur installation, pour les aider à faire leurs démarches juridiques, pour leur fournir des traducteurs ou faciliter la réunification familiale. Pour chacun de ces aspects, nous avons créé un guichet unique pour rendre les choses les plus simples possibles. Parce qu’autrement, vous devez faire face à des expériences horribles et traumatisantes.
Il est donc possible de rassembler toutes nos ressources et de rendre les choses aussi faciles que possible pour eux, dans le cadre des limites légales établies par les gouvernements nationaux.
L’implication de villes – comme Sheffield – dans des réseaux de villes solidaires possède-t-elle un impact sur les politiques migratoires et d’asile au niveau régional, national et européen ?
Prenons l’exemple de Sheffield. Il y a un impact au niveau régional parce nous travaillons avec le Conseil des réfugiés du Royaume-Uni et parce que beaucoup de ces think tanks et ONG qui travaillent directement, influencent et conseillent le gouvernement doivent travailler avec les gens sur le terrain pour comprendre ce qu’il s’y passe. C’est pourquoi, à Sheffield, nous travaillons pour les réfugiés, mais nous essayons aussi d’influencer les politiques en recueillant des données et en établissant des rapports.
De plus, d’un point de vue personnel, étant moi-même arrivé à Sheffield comme réfugié, je donne maintenant en retour en tant que député européen élu, siégeant au sein de la Commission LIBE [Libertés civiles, justice et affaires intérieures] et en cherchant à avoir un impact sur la politique d’asile au niveau européen. Et je suis sûr qu’il y a beaucoup d’autres exemples.
Outre ces réseaux, comment envisagez-vous la coopération entre les autorités locales et les organisations de la société civile dans ce domaine?
Les autorités locales doivent définir un récit en promouvant le travail de la société civile, en protégeant et en célébrant les migrants et les réfugiés et ne pas seulement se contenter de dire que « nous les accueillons ».
En effet, je pense que nous devons gagner cet aspect culturel parce que, parfois, il semble que nous soyons vraiment confrontés à des tabloïds ou à des politiciens de premier rang qui sont toujours opposés aux migrants et aux réfugiés, et donc, bien sûr, plus il y aura une coopération forte entre les autorités locales et la société civile, plus nous serons aptes à promouvoir le bon travail que nous faisons.
Que pensez-vous de la manière dont les institutions de l’UE et les États membres abordent cette question ? Le niveau local est-il suffisamment pris en compte ?
Honnêtement, c’est absolument terrible. Je pense que l’élément clé qui fait défaut aux États membres de l’UE est la compassion, car ils semblent oublier que ces personnes sont des êtres humains qui sont actuellement traités comme des chiffres. Quand on y pense, ils commémorent le naufrage de Lampedusa en disant « nous savons que cela se produit, que la Méditerranée devient une sorte de cimetière, mais nous refusons d’apporter notre soutien à ces gens ».
Malheureusement, les échelons locaux ne sont pas suffisamment pris en compte par les institutions de l’UE et les États membres lorsqu’ils traitent de la question des migrations. Elle est toujours approchée du point de vue du gouvernement et des États membres, et j’aimerais que les choses soient examinées d’un point de vue local. En fin de compte, les autorités locales sont dirigées par des personnes locales qui sont plus impliquées auprès des « communautés de base », qui s’occupent des problèmes au jour le jour, qui ont une meilleure connaissance du travail et qui ont donc plus de compassion et d’attention. De toute évidence, nous aurions [en considérant le niveau local] des politiques et des approches différentes dans la manière dont nous traitons les migrants, mais malheureusement, ce point n’est pas suffisamment pris en compte.