L’autre impact de la crise de « 2015 » : une mobilisation citoyenne inédite
Équipe plaidoyer de France terre d'asileDepuis 2015, face aux arrivées de réfugiés et de migrants et à la réponse répressive apportée par certains dirigeants européens, nombreux sont les citoyens européens ayant décidé de se mobiliser et de s’engager pour venir en aide aux réfugiés et aux migrants dans de nombreux domaines. D’après le professeur allemand Wemer Schiffauer, qui a publié un livre sur ces initiatives solidaires, cela constitue même un « mouvement citoyen inédit », qui dépasse les clivages sociaux, religieux et politiques.
Alors que la « crise des réfugiés » s’est rapidement transformée en crise de l’accueil, des initiatives citoyennes solidaires se sont développées pour aider les réfugiés et les migrants à se loger. Ainsi, depuis 2015, la plateforme en ligne « Refugees Welcome », créée par trois citoyens allemands, permet à des particuliers disposant d’un logement ou d’une chambre libre de s’inscrire et d’accueillir des réfugiés. Désireuse de sortir les réfugiés de situations précaires, cette plateforme s’est rapidement développée et propose maintenant des logements dans plusieurs pays européens. D’autres projets citoyens européens similaires peuvent être cités comme « Refugee Hero » aux Pays-Bas, la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés de Bruxelles ou encore le projet « CALM » (Comme à la maison) de l’association française Singa.
De plus, les actions de la société civile se sont également attelées à dénoncer publiquement les mesures xénophobes s’attaquant aux réfugiés et aux migrants et à mobiliser les citoyens européens dans cette lutte. En réaction à la volonté du Danemark d’envoyer des demandeurs d’asile déboutés et des réfugiés criminels sur une île isolée, plusieurs centaines de citoyens se sont réunis à Copenhague, scandant des slogans tels que « Stoppez immédiatement le racisme » ou encore « Arrêtez la peur contre les étrangers ».
De son côté, le projet d’initiative citoyenne européenne « Nous sommes une Europe accueillante : apportons notre aide ! », approuvé en février 2018 par la Commission européenne, repose sur une coalition de plusieurs organisations citoyennes. Elles souhaitent dénoncer la criminalisation de la solidarité en faveur des réfugiés et des migrants et mobiliser les citoyens européens pour améliorer leur intégration et le respect de leurs droits fondamentaux.
Afin de donner une meilleure visibilité à ces différentes initiatives, des « cartographies » ont été réalisées dans différents pays. En France, une coalition citoyenne, composée de bénévoles, salariés d’associations, ou individuels, a recensé les actions développées sur tout le territoire via la plateforme en ligne « le Sursaut citoyen ». L’objectif est d’assurer la connexion entre les citoyens engagés et l’accès aux informations pour les personnes ayant besoin d’aide.
En parallèle d’une réelle organisation et coordination des actions de la société civile, de nombreuses initiatives citoyennes répondent aussi à des élans spontanés de solidarité, à l’image d’une messe ininterrompue organisée aux Pays-Bas pendant plus de trois mois pour éviter l’expulsion d’une famille arménienne. En Suède, une jeune étudiante suédoise avait empêché en juillet 2018 le décollage d’un avion qui transportait un demandeur d’asile expulsé vers l’Afghanistan.
Par ailleurs, certaines initiatives solidaires ont été impulsées par les villes européennes elles-mêmes. À Barcelone, pour faciliter la coexistence entre les Barcelonais et les migrants, des « agents anti-rumeurs », déployés dans les centres sociaux locaux et dans les rues, ont été formés pour déconstruire les stéréotypes et promouvoir des informations vérifiées. En Irlande, le maire de Galway a lancé le projet « Bridge » qui vise à promouvoir l’accueil et l’intégration des demandeurs d’asile, notamment par des interventions de plaidoyer. Dans certaines villes européennes, la solidarité s’exprime aussi par des formes de « désobéissance citoyenne », comme à Palerme, Florence et Naples où les maires ont annoncé leur intention de ne pas appliquer le « décret-loi Salvini », le qualifiant d’ « inhumain ».
De plus, de nombreux projets se sont développés pour permettre aux villes européennes engagées dans l’aide et le soutien aux réfugiés et aux migrants de se coordonner et d’échanger sur les bonnes pratiques existantes. Ainsi par exemple, le projet européen « URBACT Arrival Cities » (Villes d’arrivée) permet aux dix villes européennes participantes, telles que Dresde en Allemagne, Messine en Italie ou encore Vantaa en Finlande, de partager leurs expériences et bonnes pratiques en faveur de l’intégration des réfugiés.
Ces différentes actions de la société civile au sein de l’Union européenne constituent donc une véritable force d’opposition aux mesures attentatoires aux droits des réfugiés et des migrants, capable tant de leur apporter de l’aide que d’exercer une pression politique auprès des institutions et des gouvernements.