Les associations dénoncent la différence de traitement envers les ressortissants non-Ukrainiens
Equipe plaidoyer de France terre d'asile© HCR
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février, des millions de personnes ont fui le pays pour trouver refuge en particulier dans les États voisins. Malgré un accueil inédit de la part des États membres de l’Union européenne (UE), de nombreuses organisations de la société civile ont dénoncé, dès la fin février, la différence de traitement entre les ressortissants ukrainiens et les exilés d’autres nationalités, jetant un voile sur l’élan de solidarité européen.
Sur l’ensemble des 450 000 ressortissants de pays tiers qui vivaient en Ukraine avant le début de la guerre, près de 217 000 d’entre eux ont fui le pays au 19 avril selon les données de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). La communauté de résidants étrangers en Ukraine comptait notamment 76 548 étudiants internationaux en 2020, principalement originaires d’Inde et de pays africains.
Des discriminations aux frontières
Dès la fin février, des rapports de plusieurs organisations de la société civile ont dévoilé que de nombreux ressortissants non-Ukrainiens essayant de fuir le pays ont subi des discriminations aux frontières, sur la base de leur origine ou de leur couleur de peau. Des témoignages recueillis par Amnesty International, publiés le 23 mars, indiquent notamment que plusieurs personnes ont été empêchées de monter à bord de trains et de bus pour se rendre en Pologne, tandis que d’autres ont fait état de violence par les garde-frontières ukrainiens.
Largement relayés sous le hashtag « AfricansInUkraine » sur les réseaux sociaux, les témoignages ont notamment amené l’Union africaine à publier, le 28 février, un communiqué dénonçant vivement le « traitement différent inacceptable » réservé aux Africains, qualifié de raciste et susceptible de violer le droit international. Le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a également fait part le 21 mars dernier de son indignation quant à la violence exercée à leur égard, soulignant l’aspect « universel » de la douleur liée à l’exil.
Un accueil « à géométrie variable » au sein de l’UE pour les exilés en provenance d’Ukraine
Outre les discriminations subies sur la route de l’exil, les associations dénoncent également la différence de traitement en matière d’accueil au sein de l’UE.
Si l’UE a pris, le 4 mars dernier, la décision historique de déclencher pour la première fois la directive de « protection temporaire » pour accorder une protection immédiate aux personnes fuyant l’Ukraine le temps de la durée du conflit au sein de l’UE, tous les ressortissants de pays tiers qui résidaient en Ukraine et qui ont fui le pays ne peuvent en bénéficier. La Hongrie a notamment adopté le 8 mars un décret qui exclut toutes les catégories de ressortissants de pays tiers qui résidaient en Ukraine de l’accès à la protection temporaire, dérogeant ainsi à la décision européenne.
La Pologne offre également une protection différenciée aux exilés qu’elle accueille, accordant un titre de séjour temporaire valable 18 mois aux ressortissants ukrainiens et à leur famille en vertu du Special Act adopté le 7 mars, et une autorisation de séjour valable un an aux ressortissants de pays tiers qui étaient bénéficiaires d’une protection internationale en Ukraine ou titulaires d’un titre de séjour permanent. Ceux qui résidaient de manière temporaire en Ukraine doivent quant à eux demander l’asile s’ils souhaitent obtenir une protection. Ainsi, malgré la solidarité affichée par l’État polonais, plus de 99 000 ressortissants étrangers ayant fui la guerre pour trouver refuge en Pologne subissent une « inégalité de traitement importante » dans le pays.
Selon la décision européenne du 4 mars, les ressortissants de pays tiers qui étaient titulaires d’un titre de séjour provisoire en Ukraine, notamment les étudiants étrangers, sont exclus du régime de la protection temporaire, à moins que les États membres de l’UE ne décident d’étendre le champ d’application de la décision. À ce jour, seuls l’Espagne et le Portugal octroient la protection temporaire à ces déplacés d’Ukraine, laissant ceux qui se trouvent dans les autres pays de l’UE dans « l’incertitude, la précarité, et l’angoisse ».
Alors que de nombreux étudiants étrangers en provenance d’Ukraine aspirent à poursuivre leurs études en Europe, plusieurs organisations, dont France terre d’asile, ont appelé les États européens à leur offrir un accueil inconditionnel. Coimbra Group, une alliance d’universités européennes, a notamment demandé dès le 2 mars à la Commission européenne d’accueillir les étudiants étrangers qui ont fui l’Ukraine. En France, des présidents d’université et maîtres de conférences se sont réunis pour plaider en faveur de la prise en charge de tous les étudiants dont la vie a été ou est menacée par la guerre en Ukraine, et mettre fin à un accueil « sélectif ».
« Deux poids, deux mesures » dans l’accueil des exilés provenant d’autres pays
Au-delà des différences de traitement entre les personnes qui fuient la même guerre en Ukraine, les organisations internationales et de la société civile dénoncent l’accueil différencié réservé aux exilés qui fuient d’autres pays. Dans un rapport publié le 7 avril et s’appuyant sur des informations de différentes ONG de défense des droits humains, le Conseil de l’Europe s’est ainsi alarmé de l’accueil « deux poids, deux mesures » des États membres de l’UE, soulignant l’augmentation des renvois sommaires aux frontières terrestres et maritimes de l’Europe, et évoquant à ce titre un « problème paneuropéen systématique » de « violations des droits humains ».
Le 11 avril dernier, Amnesty International a également publié un rapport dénonçant « les traitements violents et dégradants » que continuent de subir les migrants à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne, qui « contrastent vivement » avec l’accueil solidaire que réserve l’UE aux personnes fuyant l’Ukraine.
Article publié le 19/04/22