Les femmes et les enfants fuyant l’Ukraine exposés à des risques accrus de traite des êtres humains
Équipe plaidoyer de France terre d'asile - Publié le 20 avril 2022© HCR
Alors que plus de 12 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur et à l’extérieur de l’Ukraine plus de sept semaines après le début de l’invasion russe dans le pays, la protection des femmes et des enfants représente un enjeu majeur. En effet, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), près de 90% des 5 millions de personnes qui ont fui le pays sont des femmes et des enfants, les hommes ayant été contraints de rester au pays pour combattre aux côtés de l’armée.
À ce jour, près de deux tiers de la population infantile d’Ukraine, qui comptait 7,5 millions d’enfants, ont été contraints de quitter le pays, représentant l’un des déplacements d’enfants « les plus rapides depuis la Seconde Guerre mondiale » selon l’Unicef, qui s’alarme notamment des « séquelles physiques, psychologiques, émotionnelles et traumatiques durables » de la guerre sur ces derniers.
Des risques accrus de traite, de violence et d’exploitation
Face au profil spécifique des personnes qui fuient l’Ukraine, les agences des Nations unies ont rapidement alerté sur les « risques élevés » de traite des êtres humains, d’exploitation et de violence auxquels sont exposés les femmes et les enfants déplacés, alors que les trafiquants d’êtres humains cherchent souvent à « tirer profit du chaos généré par les mouvements massifs de population » selon l’Unicef.
Les risques de traite et d’exploitation sont d’autant plus élevés lorsque les enfants sont isolés ou séparés de leur famille. Dès le 7 mars, l’Unicef et le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés ont donc appelé à protéger « les enfants sans protection parentale » et en particulier ceux qui fuient leur pays.
Selon une enquête de l’ONG Amnesty International publiée le 23 mars, le manque de procédure officielle d’enregistrement aux frontières des femmes et des enfants qui fuient l’Ukraine – notamment en Pologne – favorise également le risque d’abus de la part de personnes ou de bandes criminelles. Ces derniers cherchent alors à abuser de la vulnérabilité des personnes déplacées qui, souvent, ne parlent pas la langue du pays d’accueil.
De même, l’enquête alerte sur les risques d’exploitation sexuelle auxquels sont exposés les femmes exilées à la frontière, alors que ces dernières peuvent se voir proposer des logements ou des transports gratuits par des « prédateurs » et réseaux criminels en échange de « faveurs sexuelles ». Face à ces risques, des initiatives émanant de la société civile émergent pour protéger les femmes déplacées. Composé de 600 membres, le collectif féministe polonais « Women Take the Wheel » propose ainsi de les accompagner depuis les points de passage frontaliers à bord de véhicules conduits uniquement par des femmes afin que ces dernières se sentent en sécurité.
Une déclaration du HCR du 12 avril met elle aussi en garde contre les promesses de logement, d’emploi et « d’autres formes d’assistance », rappelant non seulement les risques d’exploitation sexuelle encourus, mais également de travail forcé et de servitude domestique. Alors que dans plusieurs pays européens l’accueil des exilés ukrainiens repose essentiellement sur l’hébergement citoyen, au Royaume-Uni, des femmes hébergées par des bénévoles dans le cadre du programme de parrainage « Homes for Ukraine » ont demandé à changer de foyer après avoir reçu des avances sexuelles de la part de leurs hôtes. Le HCR a depuis exhorté le Royaume-Uni à introduire un dispositif « plus approprié ».
Plusieurs mesures déployées pour lutter contre les risques de traite
Afin de prévenir les risques d’abus et de traite auxquels sont exposés les femmes et les enfants fuyant l’Ukraine, plusieurs mesures ont été déployées par les organisations internationales, aux côtés d’autres organisations humanitaires. Le HCR a notamment identifié des coordonnateurs responsables de la « prévention de l’exploitation et des abus sexuels » afin de soutenir les efforts des autorités nationales en la matière.
L’Unicef, en collaboration avec le HCR et les gouvernements nationaux, a également mis en place dès le 7 mars des « points bleus » le long des principaux points de passage frontaliers et dans les centres de transit et d’accueil, notamment en Pologne. Ces « espaces sûrs » ont pour objectif d’informer, d’orienter et de protéger les enfants, les familles et toutes les personnes exilées vulnérables. En parallèle, le HCR a également lancé la campagne de sensibilisation « Stay Safe » afin d’informer les déplacés des risques qu’ils encourent mais aussi des mesures existantes pour garantir leur protection, à l’image des lignes d’assistance téléphonique gratuites.
La Commission européenne s’est également saisie de la question en présentant, le 28 mars, un plan en 10 points visant notamment à renforcer la coordination européenne pour garantir la protection des femmes et enfants fuyant l’Ukraine. La Commission souhaite ainsi un enregistrement systématique des mineurs aux frontières de l’UE via la création d’une plateforme européenne dédiée, l’élaboration de procédures harmonisées pour l’accueil et le soutien des enfants, et l’élaboration d’une « Stratégie commune de lutte contre la traite des êtres humains », qui devrait être publiée prochainement.
En parallèle, les députés européens ont adopté le 7 avril une résolution appelant à la mise en place de diverses mesures pour protéger les mineurs « contre la violence, l’exploitation et les abus », notamment via l’assignation d’un tuteur et l’accès à l’éducation et aux services de santé dans les pays d’accueil.
Si à ce jour le HCR ne recense que peu de cas avérés de traite des êtres humains, ce risque pourrait s’accroitre alors que déplacés qui arrivent dernièrement en provenance d’Ukraine « ont moins de moyens et sont aussi moins bien préparés en termes d’endroit où ils souhaitent se rendre », les rendant ainsi plus vulnérables aux yeux des trafiquants.