Le difficile accès à la réunification familiale pour les réfugiés afghans
Équipe plaidoyer de France terre d'asile - Publié le 22 octobre 2021© NATO
La réunification familiale pour les bénéficiaires d’une protection internationale afghans résidant dans l’UE représente un enjeu majeur, notamment compte tenu des personnes qui pourraient fuir à l’avenir suite à l’arrivée au pouvoir des Talibans. Alors que de nombreux Afghans en quête de protection sont arrivés en Europe ces dernières années, la plupart d’entre eux sont de jeunes hommes, arrivés sans leurs familles, notamment du fait de la dangerosité des routes migratoires empruntées.
Dans le contexte de la dégradation sécuritaire en Afghanistan et de l’arrêt, à la fin du mois d’août, des opérations d’évacuation vers l’UE de certains Afghans particulièrement menacés – et faute d’engagements chiffrés pris par les États membres de l’Union pour la réinstallation de ceux restés dans les pays voisins – la réunification familiale s’affirme actuellement comme l’une des seules voies d’accès légales et sûres vers l’Europe.
Pourtant, les membres de la famille des réfugiés afghans disposant déjà de leurs visas dans le cadre de de la procédure de réunification familiale rencontrent actuellement des difficultés pour rejoindre sans délai l’Europe, en raison des contrôles aux frontières effectués par les Talibans et de la suspension des vols internationaux depuis l’Afghanistan.
En parallèle, les Afghans dont les dossiers sont en cours d’instruction ou qui doivent encore accéder à la procédure, se trouvent confrontés dans la plupart des pays européens à des freins significatifs, tels que des obstacles administratifs, des coûts excessifs ou encore des délais d’attente importants pour la délivrance des visas. En Allemagne, au 15 septembre, 4 173 personnes étaient ainsi toujours dans l’attente de la délivrance d’un visa en raison de délais d’attente excessifs, et ce malgré l’urgence humanitaire. En l’état, ces personnes pourraient attendre jusqu’à trois ans et demi pour la délivrance de leurs visas. En France, pas moins de 3 500 personnes étaient également concernés à la mi-août. Plusieurs milliers de membres de famille de réfugiés afghans se trouvent dans la même situation dans les pays limitrophes de l’Afghanistan, au Pakistan ou en Iran.
Avec la fermeture des représentations diplomatiques européennes en Afghanistan, les familles des réfugiés afghans présents en Europe doivent désormais se rendre aux ambassades et consulats présents dans les pays voisins, à New Delhi en Inde, ou à Téhéran au Iran, dans le cadre de la procédure de traitement des demandes de visas. Outre les risques encourus, de nombreux obstacles existent pour la délivrance des visas pour se rendre en Iran ou en Inde depuis l’Afghanistan. Afin de lever ces freins, le HCR exhortait ainsi les États, le 15 octobre, à recourir à des méthodes de traitement innovantes, en menant notamment des entretiens à distance.
Par ailleurs, certaines restrictions peuvent s’appliquer aux réfugiés afghans selon la forme de protection obtenue au sein de l’UE. Si le droit à la réunification familiale est encadré au niveau européen par la directive 2003/86/CE, cette dernière laisse en effet une grande marge de manœuvre aux États membres pour restreindre l’accès à la procédure, en particulier aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, qui sont exclus du champ d’application de la directive. Ainsi, alors que de nombreux Afghans se trouvent en Grèce et y bénéficient d’une protection subsidiaire, ces derniers ne sont pas éligibles à la procédure de réunification familiale en raison de leur forme de protection.
Ces difficultés accrues auxquelles font face les réfugiés afghans pour accéder à la procédure de réunification familiale mettent en péril ce droit fondamental, consacré par la Convention de Genève et essentiel à leurs parcours d’intégration au sein du pays d’asile. Une réponse concrète de la part des États membres s’avère ainsi nécessaire pour garantir l’accès effectif à ce droit et éviter que les familles ne recourent à des voies irrégulières et dangereuses pour rejoindre l’Europe.