Présidence française de l’Union européenne : les priorités en matière d’asile et migration dévoilées
Équipe plaidoyer de France terre d'asile - Publié le 16 décembre 2021Le 9 décembre dernier, le Président de la République Emmanuel Macron a présenté les priorités de la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne (UE) que la France assurera à partir du 1er janvier 2022 pour six mois. La France sera amenée à organiser et présider les réunions des ministres de l’UE, avec pour objectif principal d’influencer l’agenda législatif européen et de faire converger les positions entre les États membres.
Concernant les priorités en matière d’asile et migration, Emmanuel Macron a avant tout mis l’accent sur la « protection » des frontières extérieures de l’Union. Fervent défenseur de la souveraineté européenne depuis le début de son quinquennat, le Chef de l’État a ainsi indiqué que le premier axe de la présidence française de l’UE (PFUE) sera une « Europe plus souveraine […] capable de maîtriser ses frontières » extérieures, pour éviter notamment tout « dévoiement du droit d’asile ».
Une volonté de réformer l’espace Schengen
Afin de renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’UE, le Chef de l’État a annoncé vouloir porter une réforme de l’espace Schengen, axée sur la mise en place d’un pilotage politique et l’introduction d’un « mécanisme de soutien d’urgence aux frontières en cas de crise ». Outre l’appui de Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, ce mécanisme compterait sur le déploiement des forces de l’ordre des États membres aux frontières de l’UE en cas de « situations de crise ».
Le 14 décembre, soit quelques jours après le discours d’Emmanuel Macron, la Commission européenne a notamment présenté une proposition de réforme du Code frontières Schengen. Cette dernière, qui pourra être négociée pendant la PFUE, prévoit en outre des dérogations au régime d’asile européen commun en prolongeant les délais d’enregistrement des demandes d’asile en cas « d’instrumentalisation des migrants à des fins politiques » par certains pays, à l’image des récents évènements avec la Biélorussie.
Vers une adoption du Pacte européen sur la migration et l’asile sous la PFUE ?
En parallèle, le Président de la République se fixe pour objectif de faire avancer les négociations du Pacte européen sur la migration et l’asile, qui piétinent depuis septembre 2020 malgré l’adoption en octobre dernier de la directive européenne « carte bleue » pour les travailleurs étrangers hautement qualifiés, et en décembre du règlement relatif à l’Agence européenne pour l’asile. Dans le discours du Chef de l’État du 9 décembre, l’accent est mis sur la dimension extérieure du Pacte, avec une volonté affichée de renforcer la coopération avec les pays d’origine et de transit dans le but de « lutter contre les trafics » et limiter les arrivées en Europe. Une « Conférence sur la dimension extérieure des migrations », réunissant hauts fonctionnaires et experts, est par ailleurs déjà planifiée en mars 2022.
Dans le cadre des négociations du Pacte, la présidence ambitionne également d’harmoniser les règles européennes en matière d’asile pour éviter les « mouvements secondaires » au sein de l’Union. Alors que la question de la solidarité entre États membres pour l’accueil et la répartition des personnes en besoin de protection n’a pas été évoquée lors du discours du Président de la République, le gouvernement français avait, à l’occasion d’un débat à l’Assemblée nationale début octobre, indiqué sa volonté de conditionner la solidarité à un mécanisme renforcé de « filtrage » aux frontières extérieures de l’UE.
La présidence compte enfin développer les voies légales de migration entre le continent africain et l’Europe, pour penser « une politique migratoire beaucoup mieux organisée » et offrir à la jeunesse africaine « des opportunités en Europe ». Un objectif qui serait formalisé par la signature d’un nouveau traité Europe-Afrique dans les mois à venir, et qui fera l’objet d’un sommet UE-Union africaine les 17 et 18 février 2022.
Malgré les ambitions affichées par Emmanuel Macron de faire avancer les négociations du Pacte – ce dernier est encore loin de faire consensus entre les États membres de l’UE. Un rapport d’information du Sénat, publié en septembre, se montre ainsi pessimiste sur ses chances d’adoption pendant la PFUE, les divisions étant toujours fortes entre les pays méditerranéens qui réclament un partage équitable de l’accueil des demandeurs d’asile et les États d’Europe centrale qui continuent de s’opposer à tout mécanisme obligatoire de solidarité.
La PFUE devra également composer avec les particularités du calendrier électoral français de 2022, avec l’élection présidentielle qui se déroulera en avril et les élections législatives qui se tiendront en juin. Malgré cela, de nombreux acteurs institutionnels et associatifs, dont France terre d’asile, plaident pour la France joue un rôle moteur pour promouvoir une réforme ambitieuse du droit d’asile en Europe. Sébastien Nadot, Président de la Commission d’enquête parlementaire sur les migrations, a notamment exhorté la France à porter une position « claire, affirmée et forte » quant à la nécessité de « l’équilibre entre responsabilité et solidarité, pour sortir le Pacte de la logique de prévention des arrivées, de renforcement des contrôles aux frontières et de l’augmentation des retours vers les pays d’origine ».