Réinstallation au sein de l’Union en 2023 : des engagements en-deçà des besoins
Équipe plaidoyer de France terre d'asile - Publié le 09 décembre 2022© UNHCR/Ilham Elayat
À l’issue du « Forum européen de haut niveau sur les voies légales d’accès à une protection et à la coopération en matière de réinstallation » qui s’est tenu le 29 novembre dernier à Bruxelles, seize États membres ont promis près de 29 000 places pour la réinstallation et l’admission humanitaire de réfugiés au sein de l’Union européenne (UE) en 2023. Pour ce faire, la Commission européenne a alloué 480 millions d’euros pour la période 2023-2025. La commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, s’est félicitée de la « ferme détermination des États membres de l’UE à continuer à offrir des voies d’accès sûres et légales aux personnes qui ont besoin d’une protection internationale ».
Pourtant, face aux besoins croissants de protection à l’échelle mondiale, plusieurs ONG européennes avaient exhorté en octobre les États membres de l’UE à réinstaller au moins 40 000 réfugiés en 2023, en plus d’au moins 8 500 Afghans ayant besoin d’une protection. Bien que la Commission européenne indique dans son communiqué que le soutien aux réfugiés afghans sera « maintenu et renforcé » en 2023, le nombre de places promises pour leur réinstallation n’a pas été communiqué.
Les ONG soulignent que l’objectif de 40 000 places de réinstallation était largement atteignable, l’UE ayant accueilli plus de sept millions de personnes en provenance d’Ukraine depuis le début de la guerre. En prévision de la dernière réunion du Conseil « Justice et Affaires intérieures » qui s’est tenue le 8 décembre, l’ONG International Rescue Committee avait ainsi réitéré la capacité de l’Union à honorer ce nombre de réinstallations « tout en respectant ses engagements existants ».
Des engagements en baisse face à une hausse continue des besoins à l’échelle mondiale
Selon le rapport du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) concernant la projection des besoins mondiaux en matière de réinstallation, publié le 21 juin dernier, plus de deux millions de réfugiés ont besoin d’être réinstallés en 2023 – soit une augmentation de 36 % par rapport aux besoins identifiés en 2021. Le HCR souligne que les réfugiés syriens représentent ceux ayant les besoins de réinstallation les plus importants au niveau mondial avec environ 777 800 personnes, suivis des Afghans qui représentent environ 14 % des besoins, et des réfugiés de la République démocratique du Congo avec 10 % des besoins.
Les organisations de la société civile déplorent pourtant l’insuffisance des efforts déployés au niveau mondial pour répondre aux besoins de protection. En 2021, seuls 39 266 réfugiés ont été réinstallés au niveau mondial. Parmi eux, seuls 15 660 ont été réinstallés au sein de l’UE, soit près de 1 % des besoins à l’échelle mondiale.
Malgré la fin des restrictions liées au Covid-19, les engagements n’ont également pas été tenus en 2022. Alors que près de 20 000 places de réinstallation étaient promises par les pays de l’UE pour cette année, seules 12 664 personnes ont été réinstallées au 31 octobre. Au niveau mondial, seules 47 352 réinstallations ont eu lieu au 31 octobre, sur un total de 88 000 demandes.
Une responsabilité qui repose sur une poignée de pays
Le nombre d’États membres de l’UE participant à la réinstallation a drastiquement diminué en dix ans, passant de 20 pays (hors Royaume-Uni) en 2017 à 15 pays en 2019, et à seulement 10 pays cette année.
Ainsi, une poignée d’États membres de l’UE effectuent la plupart des réinstallations. En 2021, 78 % de l’ensemble des réfugiés réinstallés au sein de l’Union sont ainsi arrivés dans trois pays seulement : la Suède, l’Allemagne et la France, une tendance qui se confirme en 2022. En 2023, ce sont l’Allemagne, la France et l’Espagne qui ont promis les engagements les plus ambitieux, avec respectivement 6 500, 3 000 et 1 200 places – suivis de près par la Finlande avec 1 075 places.
Alors que le nombre de personnes déplacées dans le monde dépasse pour la première fois les 100 millions et que les conflits sont plus nombreux que jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, les organisations de la société civile rappellent l’urgence de développer les voies d’accès légales et sûres, dont les programmes de réinstallation. Un accord entre le Parlement européen et la présidence tchèque du Conseil de l’UE a été trouvé le 15 décembre dernier sur la proposition de règlement de 2016 établissant un cadre de l’Union pour la réinstallation, qui représente le premier cadre juridique pour la réinstallation à l’échelle européenne.