Royaume-Uni : un nouveau projet de loi piétine le droit d’asile
Équipe plaidoyer de France terre d'asile - Publié le 29 mars 2023© Alisdare HicksonSuivre/Refugee Rights
Il s’agit d’une promesse de Rishi Sunak à son arrivée à la tête du gouvernement en octobre dernier, et du nouveau slogan du parti conservateur : « arrêter les small boats », soit l’arrivée des embarcations de personnes migrantes. Pour cela, le gouvernement britannique a présenté, le 7 mars dernier, son projet de loi « contre l’immigration illégale », qui vise à refuser à toute personne arrivée de manière irrégulière le droit de demander l’asile au Royaume-Uni. L’ambition de la ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, est de « détenir et expulser rapidement » les personnes qui arrivent via la traversée de la Manche.
Les personnes arrivées de manière irrégulière, y compris les mineurs, seraient ainsi placées en rétention, sans caution de liberté ni contrôle judiciaire au cours des 28 premiers jours, en vue d’être éloignées vers leur pays d’origine ou vers un autre pays tiers jugé « sûr » par le Royaume-Uni, à l’instar du Rwanda. Les recours en justice de ces personnes seraient examinés à distance, tandis que leurs demandes d’asile seraient traitées directement par les autorités de l’État dans lequel elles seraient renvoyées. En parallèle, le projet de loi introduirait un plafond annuel, qui reste encore à déterminer, fixant le nombre de personnes à accueillir chaque année dans le cadre de voies légales.
Incompatibilité juridique du projet de loi
De nombreux défenseurs des droits de l’Homme pointent du doigt les violations du droit international du nouveau projet de loi. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (UNHCR) s’est déclaré « profondément préoccupé » par ce dernier, qui, s’il était adopté, équivaudrait à une « interdiction d’asile », en violation flagrante de la Convention de Genève sur les réfugiés de 1951. L’UNHCR souligne que la Convention reconnaît explicitement que les réfugiés peuvent être contraints d’entrer de manière irrégulière dans un pays en vue d’y demander l’asile, des voies sûres et légales de migration n’étant pas toujours disponibles.
Dans une lettre adressée à la Chambre des Communes le 24 mars, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, constate par ailleurs que les dispositions du projet de loi s’opposent aux obligations internationales du Royaume-Uni, telles que définies notamment dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) et la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH) dont le Royaume-Uni est signataire. Durant le Comité mixte des droits de l’homme chargé d’évaluer la conformité du projet de loi avec le droit international, qui s’est tenu le 22 mars, des experts britanniques ont également exprimé leur vive inquiétude sur le manque d’examen adéquat de la demande d’asile et du niveau de sécurité dans les pays tiers de renvoi.
Ce projet de loi voit le jour quelques mois seulement après l’adoption de la loi « Nationalité et Frontières » adoptée en avril 2022. En abrogeant certains articles de cette dernière sur l’esclavagisme moderne, le nouveau projet de loi vise également à rendre plus difficile pour les personnes arrivées de manière irrégulière d’invoquer les arguments relatifs à l’esclavage moderne pour empêcher leur éloignement, ce que dénonce notamment l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans un communiqué diffusé le 28 mars.
Quid du protocole d’accord avec le Rwanda ?
Le projet de loi sur « l’immigration illégale » s’appuie par ailleurs sur l’accord conclu avec le Rwanda en 2022 dans le but d’y renvoyer les demandeurs d’asile arrivés de manière irrégulière. Dans cette optique, Suella Braverman s’est rendue au Rwanda les 18 et 19 mars pour échanger avec le Président rwandais Paul Kagame au sujet de l’extension du protocole d’accord à toutes les catégories de personnes qui traversent des pays « sûrs » avant de se rendre de manière irrégulière au Royaume-Uni. Si le gouvernement rwandais a confirmé qu’il était en mesure « d’accueillir des milliers de personnes », le gouvernement britannique doit néanmoins attendre le verdict de l’audience d’appel quant à la décision de la Haute Cour de justice britannique de décembre 2022 sur la légalité des renvois, prévue du 24 au 27 avril.
Vers une coopération franco-britannique renforcée
En parallèle, le gouvernement britannique renforce sa coopération avec la France dans le but d’empêcher les départs depuis le littoral français. Lors du Sommet franco-britannique qui s’est tenu 10 mars dernier – le premier depuis 2018 – Rishi Sunak a mentionné la création d’un nouveau centre de rétention du côté français, de 500 nouveaux postes d’officiers et l’achat de nouveau matériel de surveillance, en contrepartie d’un financement de 543 millions d‘euros à la France au cours des trois prochaines années. Ce financement intervient dans la lignée d’un accord conclu en novembre 2022 entre Gérald Darmanin et Suella Braverman, qui avait pour objectif de doubler les forces de l’ordre françaises présentes sur le littoral en contrepartie du versement de 72,2 millions d’euros à la France pour la période 2022-2023.