Trois ans plus tard, état des lieux de l’accueil en Europe des personnes qui ont fui l’Ukraine
Équipe plaidoyer de France terre d'asile - Publié le 19 décembre 2024English VersionOn 21 October 2024, Ola, aged 56, and Anatolii, aged 62, a Ukrainian couple who had been refugees in France since December 2022, received a letter asking them to leave their home in Meurthe-et-Moselle by the end of the month. Like the sixty other people who have received this letter, the authorities blamed them for not being sufficiently integrated in France. Thanks to the involvement of local associations and a delegate from the Ombudsman, they were finally granted two more months to leave their accommodation.
In Hungary too, dozens of Ukrainian refugees have lost their homes. On 28 June 2024, the government changed the criteria for obtaining social housing: since 21 August 2024, when the decree came into force, people coming from regions less affected by the fighting - several hundred people - no longer have access to such housing. In Kocs, in the north-west of the country, 127 people, including 80 children, were evicted from their homes. While some families were rehoused after spending a night sleeping outside, others were forced to return to Ukraine. Western Ukrainians, and especially the Roma population from the Transcarpathia region, who are highly discriminated against, are becoming increasingly at risk. Yet Hungary takes in relatively few refugees compared with other countries bordering Ukraine.
In the Czech Republic, since the 1st of September 2024, following a change in the ‘Lex Ukraine’, the length of access to free emergency accommodation provided by the State has been shortened from 150 to 90 days. This applies to all Ukrainians, regardless of their level of vulnerability.
In Germany, Chancellor Olaf Scholz declared in May 2024 that more Ukrainian refugees should take up work. The OECD reports that in countries such as Poland, Lithuania and Estonia, the employment rate for Ukrainians is over 50%, while in Germany, Austria and Belgium, fewer than one in four have entered the labour market. According to the Polish Economic Institute, 18% of Ukrainian refugees were employed in Germany in January 2024. Some argue that the benefits, more generous than in other countries (€563/month for a single person), could deter beneficiaries of temporary protection from looking for work. However, it is rather the lack of stable housing, of recognition of diplomas and skills, difficulties in learning the language and accessing to childcare solutions that are holding back access to employment, especially for women, who make up the majority of exiles from Ukraine.
A fragile protection
In June 2024, the Council of the European Union (EU) extended temporary protection for the 6 million Ukrainians living in Europe until March 2026. However, some countries are now trying to limit access to effective protection. In Norway (a member of Schengen), Ukrainians from the west of the country will no longer be entitled to automatic protection, and their applications will be examined on a case-by-case basis. In Switzerland too, the S status, which corresponds to temporary protection from the EU, will only be granted to Ukrainian nationals from regions affected by the fighting.
Public support for accepting Ukrainian exiles is also waning in some countries. While 94% of Poles were in favour of accepting Ukrainian war refugees in 2022, the figure is now 53%. One of the reasons for this could be the ‘cereals crisis’: in 2022, the EU set up ‘solidarity corridors’, making it easier to import Ukrainian goods into Europe. Many Ukrainian products, particularly cereals, arrived on the Polish market at a lower price than domestic production. In February 2024, to protest against this perceived unfair competition, Polish farmers dumped Ukrainian wheat at the border and blocked around a hundred roads in Poland. Finally, while most Ukrainian refugees are women aged between 18 and 64 (40.6%) and children (32%), 21.3% are men aged between 18 and 64. At a time when the Ukrainian army is facing a shortage of fighters, Poles frown upon taking in potential soldiers. In a recent survey by CBOS, the Polish national statistics office, almost two-thirds (67%) of respondents said that men of military age should return to Ukraine. In April 2024, the Ukrainian government suspended passport renewals for men aged between 18 and 60 living abroad, hoping to force them to return to join the army.
En 2022, suite à la guerre contre l’Ukraine déclenchée par la Russie, un élan de solidarité européen sans précédent a permis l’accueil de plusieurs millions d’Ukrainiennes et d’Ukrainiens fuyant le conflit, en l’espace de quelques semaines. Pourtant, presque trois ans plus tard, et malgré l’extension de la protection temporaire jusqu’en 2026, plusieurs pays européens se désengagent discrètement de l’accueil des Ukrainiens.
Le 21 octobre 2024, Ola, 56 ans, et Anatolii, 62 ans, un couple d’Ukrainiens réfugiés en France depuis décembre 2022, ont reçu une lettre leur demandant de quitter leur logement en Meurthe-et-Moselle avant la fin du mois. À l’instar des soixante autres personnes qui ont reçu ce courrier, les services de l’État leur reprochent de ne pas être assez intégrés en France. Grâce à l’implication d’associations locales et d’un délégué du Défenseur des droits, la préfecture leur a finalement accordé un délai de deux mois supplémentaires pour quitter leur logement.
En Hongrie aussi, plusieurs dizaines de réfugiés ukrainiens ont perdu leur logement. Le 28 juin 2024, le gouvernement a changé les critères d’obtention des logements sociaux : depuis le 21 août 2024, date d’entrée en vigueur du décret, les personnes originaires de régions moins affectées par les combats, soit plusieurs centaines de personnes, n’y ont plus accès. À Kocs, au Nord-Ouest du pays, 127 personnes, dont 80 enfants, ont ainsi été expulsées de leur logement. Si certaines familles ont été relogées après une nuit dehors, d’autres personnes expulsées ont été contraintes de retourner en Ukraine. Les Ukrainiens de l’Ouest, et tout particulièrement les populations Roms de la région de Transcarpatie, très discriminées, sont de plus en plus précarisés. La Hongrie accueille pourtant relativement peu de réfugiés en comparaison des autres pays frontaliers de l’Ukraine.
En Tchéquie, depuis le 1er septembre 2024, à la suite d’un changement dans la « Lex Ukraine », la période d’accès à un logement d’urgence fourni gratuitement par l’État a été raccourcie de 150 à 90 jours. Tous les Ukrainiens sont concernés, quel que soit leur niveau de vulnérabilité.
En Allemagne, le chancelier Olaf Scholz a déclaré en mai 2024 qu’un plus grand nombre de réfugiés ukrainiens devaient à présent travailler. L’OCDE indique que dans des pays comme la Pologne, la Lituanie et l’Estonie, le taux d’emploi des personnes ukrainiennes est supérieur à 50 %, tandis qu’en Allemagne, en Autriche et en Belgique, moins d’une personne sur quatre a intégré le marché du travail. D’après l’Institut économique polonais, 18 % de réfugiés ukrainiens occupaient un emploi en Allemagne en janvier 2024. Si certains avancent que des allocations plus généreuses que dans d’autres pays (563€/mois pour une personne seule) pourraient dissuader les bénéficiaires de la protection temporaire de chercher un emploi, c’est davantage l’absence de logement stable, le manque de reconnaissance des diplômes et compétences, les difficultés d’apprentissage de la langue et d’accès à des solutions de garde d’enfants qui freinent l’accès à l’emploi, notamment des femmes, majoritaires parmi les exilés d’Ukraine.
Une protection de plus en plus fragile
En juin 2024, le Conseil de l’Union européenne (UE) a prolongé la protection temporaire pour les 6 millions d’Ukrainiens qui vivent en Europe jusqu’en mars 2026. Pourtant, certains pays tentent désormais de limiter l’accès à une protection effective. En Norvège (membre de l’espace Schengen), les Ukrainiens de l’Ouest du pays n’auront plus le droit à une protection automatique et leurs demandes seront examinées au cas par cas. En Suisse également, le statut S, qui correspond à la protection temporaire de l’UE, ne sera octroyée qu’aux ressortissants ukrainiens venant de régions touchées par les combats.
Le soutien populaire à l’accueil des exilés ukrainiens faiblit également dans certains pays. Alors que 94 % des Polonais étaient favorables à l’accueil des réfugiés de guerre ukrainiens en 2022, ils sont 53 % aujourd’hui. Une des explications serait la « crise des céréales » : en 2022, l’Union européenne a mis en place des « corridors de solidarité », facilitant l’import en Europe de marchandises ukrainiennes. Nombre de produits ukrainiens, et notamment les céréales, sont arrivés sur le marché polonais à un prix inférieur à celui de la production nationale. En février 2024, pour dénoncer cette concurrence jugée déloyale, des agriculteurs polonais ont déversé du blé ukrainien à la frontière, et ont bloqué une centaine de routes en Pologne. Enfin, si la plupart des réfugiés ukrainiens sont des femmes entre 18 et 64 ans (40,6 %) et des enfants (32 %), 21,3 % sont des hommes entre 18 et 64 ans. À l’heure où l’armée ukrainienne manque de combattants, le fait d’accueillir de potentiels soldats est mal perçu par les Polonais. Dans un récent sondage de CBOS, l’office national polonais des statistiques, près de deux tiers (67 %) des personnes interrogées ont ainsi répondu que les hommes en âge de servir dans l’armée devaient retourner en Ukraine. En avril 2024, le gouvernement ukrainien a suspendu le renouvellement des passeports pour les hommes âgés de 18 à 60 ans résidant à l’étranger, espérant les contraindre à rentrer pour intégrer l’armée.